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Les prélats d'Avignon

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Durant la période des papes d’Avignon, le diocèse de Fréjus alimente l’administration pontificale et le siège épiscopal est attribué la plupart du temps à un des proches collaborateurs du pape, d'où l'alternance de quercynois et de limousins, liés aux origines géographiques des pontifes successifs.

 

  • Barthélémy Grassi (20 janvier 1318 - 5 mars 1340)

    image002Blason : d’azur à une bande d’argent chargée de trois croissants de gueules

    Barthélémy Gras (Grassi ou Grassy) était issu du village de Montalzat, dans le Quercy, selon le chanoine Edmond Albe, grand explorateur des archives avignonnaises alors que d'autres situent sa maison paternelle à Verfeil, toujours dans le diocèse de Rodez. Les historiens locaux ont répété qu’il était fréjusien probablement en se fondant soit sur la permanence de la famille Grassi dans la cité, soit sur sa présence éventuelle aux  côtés de son ami  Jacques Duèze alors qu’il y était évêque.

    Curé de Châteauneuf, au diocèse d’Avignon, Barthélémy Grassi  lui était en tout cas attaché quand il eut reçut la pourpre. Il l’accompagna à Lyon en 1316 et obtint de lui, après son couronnement, un canonicat au diocèse de Chartres le 7 septembre 1316, avec le titre d’archidiacre de Châteaudun. Au retour du pape à Avignon, il fut son chapelain. Il apparaît ensuite comme auditeur des causes du Palais apostolique. Après la mort de Bertrand Aimini, il est pourvu du siège de Fréjus le 20 janvier 1318. Un mois plus tard il est mandaté pour instruire le procès de Jean de Limoges, Jean de Dinant et quelques autres clercs et laïcs impliqués dans une affaire de sorcellerie. La plupart de ses actes restent datés d’Avignon, qu’il ne quitta guère durant le pontificat de Jean XXII et où il prend part aux conciles de Saint-Ruf de 1326 et 1337. Une bulle datée du 5 décembre 1328 le charge de rétablir l’ordre à l’abbaye du Thoronet dont les moines sont en révolte contre l’abbé. En 1334, il procède à l’élévation solennelle des reliques de sainte Roseline, canonisée cinq ans après sa mort par Jean XXII qui avait aussi élevé saint Louis d’Anjou à la gloire des autels. En 1336, avec ses chanoines, il dresse de nouveaux statuts pour le chapitre. La même année un incendie ravage la salle capitulaire, anéantissant les archives et les trésors du passé.

    Barthélémy Grassi, sain de corps et d'esprit, rédige son testament le 17 août 1338 et y ajoute un codicille à Flayosc le 2 mars 1340, alors que sa santé s'est cette fois dégradée, par lesquels il lègue les 148 livres de sa bibliothèque ; il meurt trois jours plus tard, le 5 mars. Il est enterré dans sa cathédrale sous l'autel appelé "de Notre-Dame de l'Aube". Une bulle du 7 mars signifie au chapitre que le pape se réserve la nomination de son successeur et on fait prendre possession des biens de l’évêque défunt dont l’administration est confiée au vicaire et clavaire Guigues de Malvanis, sous la surveillance de Raymond Noulon, archidiacre d’Aix. Par testament, l’évêque laissait 1000 florins pour aider au mariage des filles pauvres de Fréjus, ce dont une bulle de Clément VI datée de 1343 ordonna l’exécution rigoureuse.

  • Jean d'Arpadelle (6 novembre 1340 – juin 1343)


    Né vers 1280, Jean d’Arpadelle était lui aussi originaire du Quercy.
    Dans un premier temps, il suit la carrière d’un de ses parents, le jurisconsulte Arnauld d’Arpadelle (ca 1250-1312), professeur à l’université de Toulouse, auteur en 1296 d’un célèbre commentaire sur les coutumes de Toulouse et membre de l’administration des sénéchaussées de Toulouse et de Carcassonne où il apparaît comme lieutenant du juge de la Cour d'appeaux.
    Jean, à son tour, conquiert les grades de licencié en l’un et l’autre droit et de docteur en droit civil. En 1312, il est enquêteur pour le compte du roi à Bazas ; en 1314, lieutenant du juge des appeaux civils de la sénéchaussée de Toulouse où il enseigne comme professeur de lois en 1316.
    Puis il entre au service de Jean XXII.
    Fait chanoine de Palencia en 1318, il est nommé par le pape le 2 mars de la même année prévôt du chapitre du tout nouveau diocèse de Mirepoix. En 1319 il devient chanoine de Paris et part y résider avec une recommandation pontificale à destination du roi Charles IV et de son ministre Bertrand Jordani ; il y exercera en effet la fonction de procureur ou chargé d’affaire auprès du roi. Ainsi le pape lui envoie, entre autres messages, une lettre datée du 10 août 1322 au sujet de la croisade qu’il envisage après l’invasion de l’Arménie par les Sarrasins. Au chapitre de Notre-Dame (qui compte trois archidiaconés), il occupera à partir du 12 mars 1331 et jusqu’en 1340, la dignité d’archidiacre de Brie. Jean d’Arpadelle intervient aussi à l’université de Paris où il introduit en 1324-1325 l’étude des décrétales éparses appelées Extravagantes.
    Il cumule alors les bénéfices : doyen de Saintes le 23 mai 1323 (bénéfice qu’il cèdera le 12 octobre 1329), il reçoit le 1er août 1328 la dignité de prévôt de Sussey au chapitre d’Autun, avec dispense de résidence. Il est encore cité comme chanoine de Beaune la même année.
    Dès 1323, il devient chapelain du pape et reçoit l'office de collecteur des annates pour les diocèses d’Autun, Sens, Rouen et Bourges. Jean d'Arpadelle semble un familier en grande faveur auprès de Jean XXII qui envisagea un temps, à la mort de son détenteur Pierre Tessier, le 22 mars 1325, de lui confier le poste de vice-chancelier, charge qui conduit alors au cardinalat. Le 19 avril 1326, on le trouve au Val-Cocatrix, près de Corbeil, comme témoin de la soumission des villes flamandes à Charles-le-Bel.
    Entre janvier et juillet 1339, il fait partie de la commission pontificale d’enquête sur le Dauphiné dont Humbert II de Viennois offre alors une partie de la suzeraineté à Benoît XII ; ainsi le voit-on rejoindre le 26 janvier l’évêque d’Avignon, Jean de Cojordan. L’année suivante, le pape le nomme évêque de Fréjus, à la mort de Barthélémy Grassi, par bulle du 6 novembre 1340 qui vante la maturité de son jugement. Encore diacre, il doit d’abord être ordonné prêtre avant de recevoir l’onction épiscopale. Le peu de temps qu’il vécut alors et son absence le firent presque oublier à Fréjus.
    En effet, cinq jours avant la mort de Benoît XII, il fut nommé à la très prestigieuse charge de Recteur du Comtat Venaissin le 20 avril 1342, ce qui impliquait la résidence à Carpentras. C’est lui qui, dès le 30 août suivant, remet à Jean II, comte d’Armagnac, les 14 000 florins pour le comté de Monteux que le nouveau pape Clément VI a décidé d’acquérir. Il est encore cité dans un document du 31 mai 1343, mais quatre jours plus tard, le 4 juin 1343, le siège de Fréjus était vacant puisque remis à Guillaume d’Aubussac. Il mourut donc dans les tout premiers jours de juin de cette année, léguant à son Eglise de grandes richesses d’orfèvrerie.

  • Guillaume d'Aubussac (4 juin 1343 – 14 mars 1346)

     

    Guillaume d’Aubussac (ou d’Albussac) est issu du Limousin comme son contemporain Pierre Roger, le futur Clément VI. On ignore le lien qui pouvait l’unir avec Géraud d’Albussac, le vicaire général d’Hugues Géraud, tristement fameux évêque de Cahors exécuté en 1317 pour avoir ourdi un projet d’assassinat par envoûtement et empoisonnement contre le pape Jean XXII et certains de ses cardinaux (complice des malversations de son évêque, il ne fut cependant pas inquiété dans ce procès).

    Comme Pierre Roger, Guillaume mènera des études de droit avant de l’enseigner.
    Muni de son doctorat in utriusque, il apparaît le 14 décembre 1321 comme official de Senlis, lors de l’élection du nouveau prieur de Saint-Maurice de Senlis, puis devient archiprêtre et chanoine de Bourges le 20 décembre 1326.
    Le 3 avril 1332 Pierre Roger lui octroie un canonicat au chapitre de Rouen dont il a été nommé archevêque un peu plus d’un an auparavant, et au sein duquel Guillaume sera investi, le 12 octobre 1333 et jusqu’en 1342, de la dignité d’archidiacre du Vexin français. Il est également promu vicaire général de l’archevêque puis de son successeur, Aimery Guénaud, à partir de 1339, qu’il secondera notamment pour arbitrer un procès avec le chapitre de Notre-Dame d’Ecouis.

    Pierre Roger ayant été élu au siège de Pierre sous le nom de Clément VI, Guillaume d’Aubussac reçoit de lui la charge de Trésorier du pape (office qu'il continuera à exercer jusqu'en 1344), puis il est fait chantre de Rouen, chanoine de Sens, de Chichester, de Paris et devient notaire apostolique, avec la faculté de percevoir les revenus de ses bénéfices tout en demeurant à la Cour pontificale.
    C’est le 4 juin 1343, qu’il est nommé au siège de Fréjus, à la mort de Jean d’Arpadelle. On voit qu’il n’est pas encore sacré le 10 août suivant où il reçoit l’indult pour recevoir la consécration des mains de tout évêque en communion avec le Saint-Siège. Le 16 novembre de la même année il reçoit l’ordre de Clément VI de faire exécuter le legs de son prédécesseur Barthélémy Grassi en faveur des filles pauvres de Fréjus. En 1345, la reine Jeanne et son chancelier Philippe de Cabassole reçoivent des lettres de remerciements de la part de Clément VI pour la bienveillance dont ils ont fait preuve à l’égard du nouvel évêque de Fréjus dans l’expédition gracieuse de ses affaires.
    Cette même année 1345, Guillaume fait donner un canonicat dans son Eglise à son neveu, Gérard d’Aubussac.
    Il meurt à Avignon, probablement le 14 mars 1346.

  • Pierre Alamanni (7 avril 1346 - automne 1348)


    image003Blason : tranché d'argent sur azur à la bande de l'un en l'autre

    Originaire du diocèse de Clermont, Pierre Alamanni (d’Alleman ou d’Allemany), lors de sa nomination, était prêtre, docteur in utroque, depuis 1335 « fort-doyen » du noble chapitre Saint-Julien de Brioude, titre qu’il conservera jusquà sa mort. Un Emeric Allemany appartient au même chapitre entre 1341 et 1359. Pierre y est parfois qualifié d’Allemany ou de Paulhac. On connaît au moins huit chanoines de Brioude qui portent ce nom de Paulhac entre 1200 et 1339. Cette dernière famille dont le fief se situe au nord-ouest de Brioude se rattache probablement aux Ebrard, vassaux des Mercoeurs.

    Pierre est encore détenteur d’un canonicat à Paris, notaire apostolique et membre du personnel de Clément VI qui dit le connaître avantageusement à la faveur d’une longue collaboration (le voisinage de Brioude avec la Chaise-Dieu dont le futur pape, Pierre Roger, était abbé expliquerait-il cela ?). C’est le 7 avril 1346 qu’il reçoit sa nomination au siège de Fréjus, mais sa mort, à l’automne 1348, ne lui en laissera pas longtemps la jouissance. Elle survint en cette année de la grande peste peu avant le 21 novembre puisqu’à cette date le chanoine Barthélémy Galhardi reçoit une bulle le chargeant de se mettre en  possession des biens de l’évêque défunt.

  • Pierre du Pin (1348)


    Du Pin blasonBlaosn : d’azur au pin fusté au naturel sur une motte de sinople

    Pierre du Pin était originaire de Cahors et appartenait par là au cercle quercynois constitué par Jean XXII pour alimenter la curie avignonnaise. A sa famille se rattachent sans doute un Géraud du Pin qui reçoit en 1346 la vicairie perpétuelle de Saint-Jacques-de-Cahors, un autre clerc de la ville, Barthéléméy du Pin, auquel est conféré un bénéfice dans le diocèse de Narbonne, un laïc, Hugues du Pin, qui reçoit une indulgence in articulo mortis en 1352, un Jean du Pin, bénédictin de l’abbaye d’Eysses (qu’il mandate le 7 février 1349 avec d’autres compatriotes auprès de la chambre apostolique), etc.

    Pierre est qualifié de « jurisperitus Caturcensis » dans sa nomination comme gouverneur intérimaire du Patrimoine de Saint-Pierre en Italie, après la mort du recteur, lui aussi originaire du diocèse de Cahors, l’évêque de Viterbe Bernard Dulac, le 14 juillet 1347, et en attendant la nomination de son successeur, un neveu de Clément VI, le 1er novembre suivant. Le 3 août, le pape envoie aux évêques, barons et fidèles du dit Patrimoine de Saint-Pierre une lettre dans laquelle il lui confère le rectorat provisoire et leur demande de lui obéir en tout. Pour reprendre la main sur une situation italienne passablement dégradée, Clément V et ses successeurs avaient dépêché dans un premier temps des cardinaux sur les lieux munis du titre de légats. Après l’assassinat d’André, époux de la reine Jeanne, Clément VI donna le 30 mars 1346 au légat Bertrand de Déaulx le titre de Vicaire Général au temporel sur les régions et cités directement soumises à l’Eglise romaine, multipliant les instructions à cette espèce de vice-roi qui avait tout pouvoir pour révoquer, punir, créer et constituer les officiers nécessaires au rétablissement de l’ordre temporel. C’est donc dans ce contexte que Pierre du Pin fut nommé vice-recteur du Patrimoine de Saint-Pierre en Tuscie, région clé autour de Viterbe, comprenant les villes d’Orte, Corneto, Orvieto, Acquapendente. La région était jusque-là gérée par un recteur, clerc ou laïc, revêtu de la postestas plenaria (pouvoir de juridiction, d’administration patrimoniale, de commandement militaire, de surveillance, etc.) et qui représentait pleinement l’autorité du pontife qui le nommait directement ; sa curie était composée tout au plus de quatre juges (un pour les affaires civiles, un autre pour les criminelles, le troisième pour les appels et le dernier pour les causes ecclésiastiques), d’un trésorier souvent flanqué d’un vice-trésorier, d’un capitaine général et de son vicaire, d’un notaire général assisté de notaires, d’un avocat du fisc et d’un exécuteur caméral, d’un maréchal et d’autres officiers mineurs. Il était assisté d’un vice-recteur ou vicaire qui le suppléait en cas de vacance, d’absence ou d’empêchement. Une autre lettre de Clément VI, adressée à Pierre du Pin et datée du 20 septembre, le met en devoir de ne rien laisser envahir des terres de la province qui lui est confiée, d’apporter un prompt remède au mal et de bien tenir les places fortes, au lendemain de la prise de pouvoir par Cola di Rienzo à Rome. Au terme de sa mission, la bulle qui lui demande de tout remettre entre les mains de Guichard de Comborn précise encore que Pierre est clerc du diocèse de Cahors.

    Mais le pape n’entend pas se priver de ses services en Italie puisqu’il l’envoie comme trésorier pontifical dans la Marche d’Ancône le 12 juin 1348. A l’automne de la même année, qui est aussi celle de la grande peste qui s’abattit sur l’Europe, il le nomme à l’évêché de Fréjus pour remplacer Pierre Alamanni, mais revient presqu’aussitôt sur sa décision pour le laisser en Italie et le placer sur le siège de Viterbe le 10 décembre 1348. Cet évêché stratégique venait en effet à vaquer pour la seconde fois dans une ville depuis dix ans aux mains du redoutable préfet de Rome et gibelin notoire, Giovanni di Vico. Dans un contexte d’insécurité permanente, on comprend pourquoi l’évêque de Viterbe-Tuscania dut retarder son sacre, obtenir un délai le 29 mars 1349 et faire encore prolonger cet indult jusqu’à la Pentecôte 1350. Finalement, il fut de nouveau transféré à Bénévent dont il devint l’archevêque le 18 novembre 1350 (son prédécesseur sur ce siège, qui porte curieusement le même nom que lui, et son successeur sont tous deux limousins...) et où il aura encore à travailler à la pacification de la région : il y est investi des fonctions administratives de recteur mais aussi de nonce auprès du royaume de Sicile. Il reçoit le pallium pendant qu’il exerce ses fonctions de nonce à Naples, et meurt à Bénévent le 12 septembre 1360.

  • Guillaume Lamy (ou Amici) (2 mars 1349 - 9 juin 1360)


    image006Blason : de gueules, à la colombe d’argent.


    Fils de Jean Lamy et d’Anne de Murmans, il naît à Limoges en 1305 (ou 1307), après deux frères Ezechias et Elie, selon ses anciens biographes. Certains auteurs en ont fait, sans grande vraisemblance, l’oncle de saint Elzéar de Sabran.image005Il fait des études de droit à l’université de Paris et obtient le doctorat. Familier du cardinal Pierre Roger, il obtient de lui une charge d’auditeur de la chambre apostolique, il reçoit la prévôté de Lavaur puis l’évêché d’Apt le 3 octobre 1341 et, après l’élévation de son protecteur au souverain pontificat, celui de Chartres le 7 octobre 1342, tout en restant entièrement occupé auprès de Clément VI ou absorbé par des légations étrangères : il travailla ainsi efficacement à la trêve de Malestroit signée en janvier 1343 entre les rois de France et d’Angleterre, en 1345 il fut envoyé à Naples pour le couronnement contesté d’André de Hongrie, premier époux de la reine Jeanne et finalement assassiné, et en 1347 auprès du roi de France, Philippe de Valois. Pour le récompenser de ses services, Clément VI lui aurait proposé la pourpre cardinalice qu’il aurait refusée « parce qu’elle avait trop d’éclat et trop peu de travail pour Notre-Seigneur ». Au moins accepta-t-il son élévation au titre purement honorifique de patriarche de Jérusalem qui lui permettait de se rapprocher d’Avignon puisque l’usage associait ce patriarcat à la gestion d’un diocèse provençal (son prédécesseur, Pierre de Casa, était évêque de Vaison et son successeur, Philippe de Cabassole, sera évêque de Cavaillon puis de Marseille). Ainsi, le même jour, 2 mars 1349, lui était confiée l’administration du diocèse de Fréjus, qu’il honora de sa présence et pour lequel il publia des ordonnances en vue d’y établir l’ordre et la discipline et fit preuve d’une grande munificence.
    Il mourut à Montpellier le 9 juin 1360 où il s’était rendu pour consulter les médecins sur sa santé et où il fut d’abord enseveli dans l’église des Carmes. Conformément au souhait qu’il avait exprimé, son corps fut transféré plus tard à la cathédrale de Limoges, dans la chapelle Saint-Thomas, derrière le grand autel.
    Sous sa statue, l’épitaphe portait : « Guillaumus Amici ex urbe Lemovicensi oriundus, Patriarcha Ierosolimitanus et Foro Juliensis quondam Episcopus, vir pietate insignis et miraculis clarus, apud Montempessulanum ex hac vita excedens emigravit in coelum die nona mensis junii anno millesimo trigentesimo sexagesimo ; cujus corpus sacrum, cum primum in templo Sanctae Mariae de Carmelo honorificis exequiis ecclesiasticae sepulturae mandatum esset, post aliquod tempus, juxta suae piae voluntatis ultimum elogium in Ecclesiam Lemovicensem translatum, ibidem, in sacello sancti Thomae nuncupato celeberrime conditum est, beatam cum sanctis resurrectionem expectans. »
    Elle fut ensuite remplacée par celle-ci : « Illustrissime et révérendissime Guillaume Lamy, qui fut auditeur de la rote dans la cour de Rome, puis évesque de Chartres, administrateur perpétuel de Fréjus et patriarche de Jérusalem, mourut à Montpelié le 9 juin 1360, et son corps fut transporté à Limoges, suivant sa dernière volonté, et enseveli dans ce monument dans la chapelle de Saint-Thomas, où il fonda sa vicairie. »

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    Le tombeau fut détruit en 1793 mais on recueillit son crâne, selon le témoignage de l’inscription qu’on lit encore sur une plaque de cuivre dans la chapelle Sainte-Anne de l’église Saint-Pierre de Limoges : « Dans cette urne est renfermé le Chef du bienheureux patriarche Lamy qui, jeté avec beaucoup d’autres ossements au milieu d’un feu allumé dans l’église de Saint Etienne, en 1793, fut plusieurs fois rejeté par les flammes. Ce que image008voyant, un sonneur le ramassa pieusement et le remit à une Sœur de Charité, qui elle-même en fit cadeau à la Compagnie des Pénitents Noirs de Saint Pierre. C’est pourquoi nous l’avons religieusement conservé et enfermé dans l’urne des cendres du vénérable Bardon de Bun, le 3 mai 1811, jour de l’Invention de la Sainte Croix, et placé dans cette chapelle où nous faisons nos offices » ; une ligne y fut rajoutée : « Le 5 juin 1875, le chef du Patriarche Lamy a été enfermé dans une châsse ».
    Ce reliquaire, toujours dans la même église Saint-Pierre de Limoges est aujourd’hui conservé dans la chapelle Saint-Joseph et porte, gravés à sa base, ces simples mots : « 1305. B. GUILLAUME LAMY. 1360 ».
    En effet, les nombreux miracles ayant lieu sur son tombeau ou par son intercession, non moins que sa vie édifiante l’ont fait vénérer comme bienheureux : l’Eglise de Chartres le fêtait le 9 juin.
    On voyait jusqu’en 1789 sa statue en dedans et au-dessus du Portail-Imbert, l’une des portes de la ville de Limoges, face à sa maison familiale.

    Bibliographie : La vie du bienheureux S. Guillaume Lamy, patriarche de Jérusalem (1854), à partir des notices de Collin (1672) et Bonaventure de Saint-Amable (1684).

  • Pierre Artaud o.p. (1360-1361)

    Pierre Artaud (ou Artaudi, Artoudi) semble appartenir à la famille provençale (Artaud de Dorchis) qui possédait la seigneurie de Venelles, près d’Aix-en-Provence, dont est issu Jean Artaudi, dominicain lui aussi, prieur de Saint-Maximin devenu évêque de Nice en 1329 puis de Marseille en 1334, et mort à Saint-Maximin en 1335. Celui-ci se fit enterrer dans l’église des Prêcheurs d’Aix-en-Provence auprès de son oncle maternel Pierre de Lamanon (ou d’Allamanon), dominicain également et évêque de Sisteron de 1292 à 1304, qui fut l’artisan de l’établissement des dominicains à Saint-Maximin aux côtés du roi Charles II dont il était le conseiller et l’ami. Le chanoine Joseph Albanès fait de notre Pierre le frère probable de Jean, alors qu’il n’apparaît pas dans la monographie détaillée qu’il publie en 1878 sur l’évêque de Marseille*. Le chanoine Edmond Albe, toujours très bien documenté, suggère que notre évêque se rattache de très près à Jean XXII, le déclarant proche parent voire  frère de Béraude Artaud (née vers 1265), troisième épouse de Pierre Duèze, frère du pape. Quoi qu’il en soit Pierre Artaud dut assez naturellement être séduit par l’ordre de saint Dominique dans lequel il fit profession et dont il fut extrait par Jean XXII le 7 février 1334 pour occuper le siège épiscopal d’Albe, en Italie, d’où il sera transféré le 28 janvier 1349 à Sisteron et  enfin à Fréjus après la mort de Guillaume Lamy survenue le 9 juin 1360. Il n’y resta que très peu puisque lui même mourut dans l’année : son successeur recevant ses bulles le 27 août 1361.

    * Il est à noter que Jean Artaud, évêque de Marseille, fils de Jacques et de Bérangère d'Allamanon, à un frère titulaire d'une stalle canoniale à la métropole Saint-Sauveur d'Aix qu'il est question de pourvoir le 5 novembre 1361, du fait de sa mort.

     

  • Guillaume de Rouffilhac (27 août 1361 - 3 novembre 1364)


    image009Blason : burelé d’or et de gueules de 10 pièces

     

    Guillaume de Rouffilhac serait né dans la localité d'où il tire son nom, dans le Quercy (actuel département du Lot).  Il appartient à une vieille famille de petits seigneurs mais bénéficiera de l'appui considérable que lui apportera son grand-oncle : il est en effet le fils de Bertrand et de Valérie Aubert, nièce d'Etienne (le futur Innocent VI). Docteur en lois, Guillaume reçoit un canonicat de Limoges en 1324, puis un à Saint-Martin de Tours en 1342. Il est collecteur pontifical dans les diocèses de Limoges et de Tulle en 1330, et official du diocèse de Limoges au moins depuis 1331.
    Il doit les postes les plus importants de sa carrière à l’élévation au souverain pontificat le 18 décembre 1352 d’Etienne Aubert, qui était évêque de Clermont depuis 1340.
    Ainsi, en janvier 1353, il reçoit d’Innocent VI sa nomination de recteur du Comtat-Venaissin à la suite d’Hugues de La Roche.
    Mais il est encore gratifié d’un canonicat à Albi en 1352, puis de la prévôté d’Eymoutiers au diocèse de Limoges, le 5 février 1354. Il est ensuite qualifié de jurisconsulte de Cahors dans un acte du 18 mai 1361.
    La fonction stratégique et prestigieuse de recteur du Comtat - fort bien rémunérée - est souvent confiée à un proche du pape. Le Recteur était à la tête des juridictions et administrations comtadines. Il a sa cour de justice image010et organise la défense du Comtat, même s’il est assisté ou suppléé pour les services temporels. C’est ainsi qu’on voit Guillaume de Rouffilhac recevoir en 1359 une bulle lui adjoignant de faire activer et achever les travaux sur l'ensemble des remparts des cités du Comtat. Après les ravages exercés par Arnaud de Cervole en 1357 et 1358, Heredia, le Grand maître de l’Hôpital, est nommé le 9 mai 1361 « Gouverneur et Réformateur du Comtat » et Guillaume de Roffiac placé sous ses ordres. En compensation, il reçut le siège de Fréjus le 27 août 1361, tout en conservant l’essentiel de sa charge qui ne lui sera retirée qu’à l’avènement d’Urbain V, en novembre 1362, au profit de Philippe de Cabassole.
    Guillaume ne pensait pas devoir résider à Fréjus puisque dès le mois d’octobre 1361 il demandait la faculté de déléguer à de simples prêtres le pouvoir de réconcilier églises et cimetières. Cependant on le voit entreprendre une visite pastorale en 1362 : dans le courant du printemps et l'été 1362, il parcourt ainsi presque tout le diocèse à l'exception de la région nord-est. Il est à Draguignan pour les Rameaux 1363. Il meurt le 3 novembre 1364 et, selon les dispositions de son testament, il est inhumé au pied de l’autel de saint Etienne dans sa cathédrale, où son corps fut transféré en 1367.
    La dalle de son tombeau qui était visible auprès de l’autel, côté de l’évangile, jusque dans les dernières décennies du XXème siècle, a été alors plaquée verticalement sur la paroi gauche de ladite chapelle puis déplacée en 2013 dans une chapelle latérale. Ses restes mortels, retrouvés à l’occasion de fouilles dans la tombe qui avait déjà été violée, furent réunis à ceux de Mgr de Bouillac et inhumés de nouveau in situ en 1987.
    Inscription funéraire : Ci-gisent les restes de Guillaume de Rouffilhac, évêque de 1361 à 1364 et de Louis de Bouillac, évêque de 1385 à 1405, ré-inhumés en 1987.

  • Raymond Dachon O.Er.s.A. (13 novembre 1364 - transféré à Pamiers le 6 juin 1371)


    dachon bisBlason : de gueules à deux léopards d’or, l’un sur l’autre

     

    image012Originaire de Belpech*, au diocèse de Mirepoix, maître en théologie, religieux de l’ordre de Saint-Augustin, Raymond Dachon (ou Daconis, d’Achin, d’Accone) est nommé évêque de Toulon par Innocent VI le 18 juin 1361, soit six jours après la mort du cardinal Guillaume Court, neveu de Benoît XII, originaire de la même bourgade de Belpech et qui avait pu veiller à son avancement. De Belpech encore où l’on voit encore sa tombe, est originaire Jean de Cojordan, trésorier de Benoît XII, évêque d’Avignon (1336-1349) nommé ensuite à Mirepoix où il meurt en 1364.
    Urbain V transfère Raymond Dachon à Fréjus le 13 novembre 1364, dix jours après la disparition de Guillaume de Roffiac.
    Le 28 février suivant il obtient un délai pour régler les 700 florins dont son Eglise est taxée auprès de la Chambre apostolique.
    Raymond Dachon était confesseur et sacriste du pape de 1352 à 1370. C’est au confesseur, toujours choisi parmi les ordres mendiants, qu’est confiée aussi la bibliothèque pontificale. Se sont succédés à ce poste Pierre de Besse et Pierre Geoffroi avant lui. Ainsi Raymond Dachon est-il chargé par Urbain V de procéder à un récolement d’ensemble image013de la bibliothèque en vue du transfert à Rome sous la direction du cardinal Philippe de Cabassole et, à ce titre, il accompagne Urbain V lors de sa tentative de retour dans la Ville éternelle en 1367, c’est là qu’il assiste à la profession de foi de l’empereur Jean Paléologue. Il revient à Avignon probablement avec le pape en septembre 1370 pour l’assister à sa mort le 19 décembre suivant.
    Grégoire XI, tout en le conservant dans ses fonctions auprès de lui, le transfère à l’évêché de Pamiers le 6 juin 1371 ; il accompagnera encore le second et définitif retour à Rome opéré par Grégoire XI en 1376. Grégoire XI y meurt le 27 mars 1378 et Raymond Dachon assiste à la tristement fameuse élection d’Urbain VI en avril 1378 : la lettre d’un ambassadeur au roi de Castille rapporte comment Raymond Dachon fut le seul étranger au Sacré Collège à demeurer dans la chapelle où fut signifiée son élection à Barthélémy Prignano : les cardinaux appelèrent le pape élu (qui n’était pas cardinal) en secret, ayant fait sortir tout le monde de la chapelle, dans laquelle pourtant était demeuré un évêque de l’ordre de Saint-Augustin, confesseur et compagnon du pape Grégoire.
    Raymond Dachon reviendra ensuite en France avec Clément VII et mourra à Avignon avant le 28 février 1380.
    Un service anniversaire était célébré pour lui à Fréjus chaque 28 août.


    * l’abbé Constantin le fait naître à Puyricard, près d’Aix dans la monographie qu’il consacre à ce village en 1890, suivant en cela le peu fiable Pierre Louvet sj dans son Abrégé de l’histoire de Provence (Aix, Tetrode, 1676).

  • Bertrand de Villemur (6 juin 1371 - 30 mai 1385)


    image014Blason : écartelé, aux 1 et 4 de gueules à trois pals d’or ; aux 2 et 3 de gueules au lion d’or.

     

    Bertrand de Villemur est l’arrière petit-neveu du pape Jean XXII au népotisme bien connu.

    Ainsi, au consistoire du 17 décembre 1316 deux des neveux du pape avaient reçu le chapeau cardinalice : Jacques de Via, fils de sa sœur Marie et Gaucelme de Jean, fils de sa sœur Marguerite ; l’année suivante venait le tour de Jean de Via, frère de Jacques ; son deuxième successeur, Clément VI, élèvera à son tour à la même dignité deux autres de ses neveux le 17 décembre 1350 : Jean de Caraman, petit-fils de Pierre Duèze, et Arnaud de Villemur, évêque de Périgueux puis de Pamiers, frère de Bertrand.

    En effet, Pierre, frère des cardinaux Jacques et Arnaud de Via, officier à la cour pontificale d’Avignon, avait acquis la seigneurie de Villemur en 1318. De son mariage avec Bernarde Delmas naquirent sept enfants dont Marie de Via de Villemur d’où naîtront de nombreuses familles royales d’Europe, Pierre qui sera évêque d’Albi, Robert, successivement évêque de Lodève et de Lavaur et Arnaud (1305-1382) qui épousera Marguerite de Chauvigny et donnera naissance à huit enfants dont le cardinal Arnaud de Villemur, Pons de Villemur, évêque de Couserans, Robert de Villemur, chanoine de Paris en 1364, et Bertrand, évêque de Fréjus.

    S’il faut en croire certains historiens, il serait encore le frère de Jean de Villemur qui combattit vaillamment en 1370 lors du siège de Limoges, comme le rappelle la chronique de Jean Froissart, et fut fait prisonnier par les Anglais. Bertrand aurait même rassemblé pour lui la rançon considérable de cent livres.

    Bertrand est simple clerc, licencié en droit, archidiacre de Lautrec au diocèse d’Albi, quand Grégoire XI le nomme évêque de Fréjus le 6 juin 1371, jour même du transfert de son prédécesseur.

    Le 9 août, il reçoit du pape la faculté de se faire ordonner par l’évêque de son choix et d’attendre tout au plus jusqu’à Noël pour se faire sacrer.

    Il gouvernera son diocèse jusqu’à sa mort le 30 mai 1385. Il est inhumé dans l’église de Fayence.

    Girardin rapporte qu’on y voyait son tombeau portant les armoiries de sa famille et l’inscription : « Hic jacet Dominus Bertrandus de Villamuro Episcopus Forojul. qui obiit an. Domini 1385 die 30 Maii. »

  • Louis de Bouillac O.Can.s.A. (3 août 1385 - mort le 13 avril 1405). Obédience avignonnaise de Clément VII


    image015Blason : d'argent, à la fasce de gueules, chargée d'une tige de trois chardons feuillés de sinople, fleuris et liés de gueules.


    Louis de Bouillac était religieux de l’ordre de Saint-Augustin, prieur du prieuré de Carmelis au diocèse de Saint-Flour. Ce prêtre était licencié en droit canon, lorsqu’il est signalé à Clément VII qui le nomme le 3 août 1385 au siège de Fréjus.
    image016Louis de Bouillac est le premier évêque de la période du Grand Schisme. A sa nomination par l’antipape Clément VII, sa légitimité était évidente dans une Provence qui avait fait le choix de l’obédience avignonnaise, même si, après la mort de Bertrand de Villemur, le pape Urbain VI tenta en vain de nommer un compétiteur à Louis de Bouillac, du nom d’Emmanuel Fieschi.

    image017Membre de cette très influente famille génoise, Emmanuel avait été nommé, le 1er avril 1386, seul vicaire général de son parent Giacomo Fieschi, archevêque de Gênes (1382-1400). Cela faisait alors un peu plus de six mois que le pape Urbain VI, traqué de toutes parts, avait trouvé refuge dans la capitale ligure grâce à l’entremise de l’archevêque qui avait concouru à le dégager de Nocera l’année précédente. Avant de quitter Gênes pour Lucques puis pour Pérouse où l’accompagnera le fidèle Giacomo, le pape éleva son Vicaire général à l’épiscopat. Evêque dès le 31 août selon certaines sources, promu au siège de Fréjus le 27 novembre 1386 selon d’autres, Emmanuel n’avait aucun moyen de rejoindre Fréjus puisque la Provence échappait totalement à Urbain VI. Voilà pourquoi dans un document daté d’un 2 novembre et qu’Albanès situe cette année 1386, Emmanuel déjà nommé et sacré demande du temps au camerlingue des cardinaux pour payer les taxes requises, ne disposant pas des revenus nécessaires, après quoi il obtint, poursuit l’historien, une prorogation de plus de deux ans. Deux lettres d’Urbain VI datées de Gênes, du 7 et du 8 décembre 1386 (le pape quittera la cité le 16 décembre) sont adressées respectivement l’une à Emmanuel et l’autre aux évêques et ecclésiastiques italiens pour le recommander dans ses nouvelles responsabilités sur le territoire de la péninsule. Il y est alors qualifié d’évêque d’Imola. On sait qu’il reçut en outre la charge de collecteur apostolique pour la Romagne le 21 février 1387 et qu’il mourut évêque d’Imola en 1390 (son successeur dans cette ville, Antonio Calvi, fut nommé le 10 octobre de la même année).
    Les vicaires généraux qu’Emmanuel avait supplantés à Gênes étaient revenus dès le départ de l’archevêque ; Giacomo, quant à lui revint à Gênes à la fin de l’année 1388 et, après que la ville soit passée sous domination française le 4 novembre 1396, réussit à la maintenir dans la fidélité à l’obédience romaine.
    Emmanuel n’eut évidemment jamais la possibilité de gagner Fréjus et nul ne semble avoir été préconisé pour lui succéder : l’entreprise aurait été vouée au même échec.
    Ainsi cet évêque pourtant légitime fut obligé de s’effacer. Louis de Bouillac pas plus que son successeur ne peuvent pour autant être tenus pour usurpateurs dans une Provence pour laquelle le pape s’appelait Benoît XIII.

    image018Le 7 décembre 1386 on voit Louis de Bouillac faire hommage à la reine Marie, mère et tutrice du jeune Louis II, comte de Provence. Il commence alors sa visite pastorale au cours de laquelle, le 4 août 1387, il consacre l’église et le maître autel de Draguignan, on le signale à Barjols et à Bargemon en janvier 1399. Il prête serment de fidélité au roi Louis II devenu majeur, le 12 octobre 1399. Il consacre l’église de Salernes le 3 avril 1401 et celle de Fayence le 10 juillet de la même année où il eut l’étonnante idée - jugée ingénieuse par le chanoine Espitalier - d’enfermer une hostie consacrée dans le tombeau de l’autel pour lequel aucune relique n’avait été préparée (il est vrai qu'un usage aussi étrange à nos yeux est attesté dans un pontifical lyonnais du XIVème siècle...).
    Il fit consigner dans un registre appelé le Livre rouge tous les titres de son Eglise, ce document permettait d’obtenir comme une photographie géographique et économique du diocèse, jusqu’au personnel de l’évêché composé d’un official, d’un procureur fiscal, d’un clavaire et d’un viguier pour l’administration, deux notaires (sans compter les notaires, avocats et procureurs extérieurs), d’un bouteiller, d’un boulanger et d’un cuisiner pour le service des cuisines, d’un gardien du moulin, d’un valet pour l’âne de service, de trois gardiens pour les porcs et de deux pour les vaches.
    image019Il dut se mettre plus d’une fois à l’abri dans ses châteaux de Puget, Fayence ou Saint-Raphaël des coups de main du révolté capitaine des armées du Comtat Venaissin, Raymond de Turenne, qui dévasta la Provence entre 1389 et 1399, ce qui donna aux populations d’expérimenter l’attitude autoritaire de son évêque, y compris dans la défense de ses droits, tant il est vrai qu’à cette époque «Vivre son destin, c’est tenir son rang et ne pas sortir de sa condition » (Emmanuel Leroy-Ladurie).
    image020Il meurt à Fréjus le 13 avril 1405 ; son corps est inhumé, selon sa volonté (« à cause de la cordiale affection qu’il portait à sa vénérable épouse, l’Eglise de Fréjus »), devant l’autel Saint-Etienne de sa cathédrale, dans un sarcophage antique orné de griffons et retrouvé lors de fouilles archéologiques effectuées à l’été 1987.
    Son corps, réuni à celui de Mgr de Roffiac, retrouvé dans la même chapelle, a été de nouveau inhumé sous les dalles la même année.
    Inscription funéraire : Ci-gisent les restes de Guillaume de Rouffilhac, évêque de 1361 à 1364 et de Louis de Bouillac, évêque de 1385 à 1405, ré-inhumés en 1987.
    image021Au décès de Louis de Bouillac, la situation a considérablement évolué depuis sa nomination : le successeur de Clément VII, Benoît XIII a perdu son crédit auprès de la plupart des cours d’Europe et Fréjus n’échappe pas à l’incertitude générale qui meurtrissait l’Eglise tout entière.

  • Gilles Lejeune (ou Iuvenis) (1408 - mort le 1er février 1422)

    Obédience avignonnaise de Benoît XIII

    Une vacance de trois ans suivit la mort de Louis de Bouillac. Pendant ce temps le diocèse fut administré au nom de Benoît XIII, soit par RobertBenoît XIII de Bosc, évêque de Mende, soit par le cardinal de Poitiers, Guy de Malsec.
    Benoît XIII avait quitté Avignon le 11 mars 1403 et s’était réfugié en Provence où l’accueillait Louis II d’Anjou, à cette occasion il passa à Fréjus le 17 novembre 1406.
    En avril 1407, Benoît XIII recevait à Marseille les députés de son opposant Grégoire XII : entre autres notaires et secrétaires, on note la signature d’Egidius Iuvenis (Gilles Lejeune) au bas du document « pro extirpatione diuturni ac pestiferi scismatis » qui sanctionne ces négociations. Quelques mois plus tard, tout au plus au début de l’année 1408, c’est ce secrétaire qui est désigné parmi la cour du pape reconnu en Provence pour occuper le siège épiscopal de Fréjus puisqu’un document du 10 janvier 1408 lui donne le titre d’« évêque élu de Fréjus », qu’on retrouve encore le 13 novembre suivant.
    Maître Gilles Lejeune, avait été nommé secrétaire pontifical le 9 août 1384 par l’antipape Clément VII. Deux ans plus tard apparaît régulièrement sa signature en marge des documents originaux et des registres. Il se maintint comme secrétaire jusqu’à la mort du pontife et fut confirmé dans la même charge par son successeur Benoît XIII duquel il est aussi familier.
    Après avoir postulé en vain, malgré sa qualité, une prébende et un canonicat de Notre-Dame de Paris contre Gerson en mars 1398, il avait obtenu celle de chanoine-chantre de Reims (de 1398 à son sacre en 1409). On sait qu’il était en outre détenteur d’un canonicat à Thérouanne et de la cure de Saint-Leu-Saint Gilles à Paris.
    Dans un premier temps, l’ « évêque élu » résida plus volontiers à la cour de Louis II.
    La situation de Benoît XIII devenait de plus en plus difficile, depuis qu’il avait jeté l’interdit sur le royaume de France en mai 1408 et que des cardinaux des deux obédiences, réunis à Livourne en juin 1408, avaient décidé de la tenue d’un concile à Pise en vue de la résorption du schisme.

    Gilles Lejeune semble alors douter de lui-même et retarde son sacre. En 1409, il participe au concile de Pise. Dans le procès que l’assemblée instruit à charge contre Benoît XIII et Grégoire XII, Gilles Lejeune est appelé à témoigner dans le courant du mois de mai, et rapporte l’anecdote curieuse selon laquelle un proche de Benoît XIII, François d’Aranda, lui aurait annoncé la mort de Philippe le Hardi le jour même de son décès dans le Brabant, de quoi alimenter les soupçons de sorcellerie dont on essayait d’incriminer le pontife et son entourage. Après que le concile eut élu un troisième pape en la personne d’Alexandre V, on prétend qu’il aurait été expressément reconnu par lui comme évêque de Fréjus le 9 septembre de la même année, ce qui était inutile vu que le nouveau pape avait, dans la XXIIème session du concile, le 27 juillet, publié un décret confirmant toutes les nominations de ses compétiteurs jusqu’à leur « destitution » proclamée par l’assemblée. Cette date correspond peut-être au moment de son sacre qu’il ne manqua pas de recevoir dès son retour à Fréjus puisque ce n’est qu’après s’être rangé sous cette bannière plus incertaine encore de l’antipape de Pise, qu’il consentit à recevoir l’onction épiscopale. Désormais au service de l’obédience pisane dont les papes avaient choisi de soutenir les prétentions de Louis II d’Anjou au trône de Naples, il assume dès 1410 la charge de référendaire et nonce en France, pour le compte de l’antipape pisan Jean XXIII. Le revirement d’alliance de Jean XXIII et les déboires militaires de Louis d’Anjou en Italie ramenèrent Gilles Lejeune au service de son souverain pour lequel la comtesse Yolande le charge d’une mission auprès du roi de France en 1411.   
    Le concile de Constance ouvert fin 1414 fit perdre au pape de Pise la tiare et la liberté. Le 10 décembre 1416, Gilles Lejeune participe à Aix à la réunion des évêques tenue pour choisir des délégués pour les dernières sessions du concile de Constance.
    Le 26 août 1421, Gilles Lejeune érige le prieuré de Lorgues en collégiale. La même année, le prieuré de la Celle Roubaud est exclu de l’ordre cartusien à cause de son indiscipline et les religieuses soumises à l’autorité de l’évêque.
    Il meurt le 1er février 1422.
    A cette date, les papes de Pise s’étaient disqualifiés, et l’inflexible Benoît XIII, de sa forteresse de Peñiscola où il mourrait quelques mois plus tard n’impressionnait plus : le concile de Constance avait élu depuis plus de quatre ans Martin V qui s’avéra être l’unique et légitime détenteur du pouvoir pontifical bien que n’ayant pas encore recouvré son droit de nommer les évêques.