La période "angevine"
Les nominations épiscopales ayant échappé à l'autorité pontificale à la faveur du Grand schisme, les pouvoirs locaux vont s’en emparer au détriment des chapitres prétendument restaurés dans leur droit d’élire les évêques. La période angevine avait commencé bien plus tôt, dès le mariage de Béatrice de Provence avec Charles d'Anjou, auquel avait travaillé l'évêque Raymond Béranger, quant à son successeur, Bertrand de Saint-Martin, il avait probablement dû son chapeau à son appartenance à la mouvance du nouveau roi de Naples, mais, cette fois, on va voir les princes angevins puiser à plusieurs reprises dans le personnel ecclésiastique de l’Anjou et du Maine pour occuper les sièges provençaux : alors que Gilles Bellemère, natif du Maine avait été nommé évêque d’Avignon et que Guillaume Fillastre, également manceau, était encore archevêque d’Aix, les chanoines de Fréjus élisent Jean Bélard le 16 février 1422.
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Jean Bélard (30 mars 1422-1449)
Jean Bélard (ou Bélart) est donc originaire du Maine. C’est sur des indices fragiles de toponymie et d’anthroponymie que Julien Rémi Pesche, dans sa Biographie et Bibliographie du Maine et de la Sarthe publiée au Mans en 1828, conjecture qu’il pourrait être natif de La Flèche ou de La Ferté-Bernard.
Jean étudie à la toute nouvelle université d’Angers (où son frère, Gervais est reçu bachelier en 1395) et obtient la licence in utroque jure ; c’est là qu’il se lie avec Grégoire Langlois, proche conseiller de Charles V, qui deviendra maître des requêtes de l’hôtel du roi, mourra évêque de Sées en 1404 et le constituera exécuteur testamentaire, ce qui fera de Jean Bélard un des artisans des débuts de la fondation des collèges de Sées, à Paris et de Bueil, à Angers.
Comme lui, Jean Bélard mènera une double carrière administrative et ecclésiastique : avocat général au Parlement de Paris en 1403, conseiller du roi de France (Charles VI le nomme le 26 mai 1416 commissaire pour la levée du dixième). En même temps, il possède un canonicat à Saint-Hilaire de Poitiers, la cure de Colombiers au diocèse du Mans, puis devient chanoine de Saint-Pierre-la-Cour, au Mans en 1405 puis chanoine de la cathédrale du Mans à partir de 1406 et doyen du chapitre de 1417 à 1422. Faisant partie des proches de Yolande d’Aragon, duchesse d’Anjou et comtesse de Provence devenue régente à la mort de son époux, Jean Bélard est dispensé des obligations de sa charge en raison de son service auprès de la «reine de Jérusalem et de Sicile ».
On peut imaginer que la liberté du chapitre de Fréjus réuni le 16 février 1422 pour se choisir un évêque ne fut pas pleine et entière, même s’il retrouvait apparemment un rôle en renouant avec une tradition interrompue par les papes d’Avignon et rétablie par le concile de Constance.
Le pape Martin V se contentera de confirmer son élection le 30 mars 1422.
Le nouvel évêque gouverne son Eglise pendant plus de vingt-cinq ans, très assidu à la cour d’Aix où il intervient souvent et se fait confirmer nombre de droits attachés à son siège. Conseiller des plus écoutés de la comtesse Yolande et de Louis III, il est nommé chancelier de Provence en 1426, charge qu’il conservera jusqu’au 1er août 1429.
Résidant plus souvent à Aix (où il est attesté qu'il possède un jardin aux alentours de la place Mazarine, en 1440) ou à Tarascon (il a encore un pied à terre dans la rue aux Bains dans la ville d'Avignon), il se reposa du soin du diocèse sur son vicaire général, Jean Combaud, qui après avoir assisté au concile de Constance et cumulé bien des titres, devint évêque de Toulon en 1434.
En 1427, Jean Bélard publia de nouveaux statuts capitulaires réformant ceux de Barthélémy Grassi, qui furent approuvés par Eugène IV le 11 mai 1430. Le 14 décembre 1428, il nomme doyen du récent chapitre de Lorgues un sous-diacre du diocèse de Sées du nom de Jean Dubois, montrant par là qu’il n’avait pas oublié ses origines...
Il aurait été envoyé par le comte Louis III d’Anjou au concile ouvert à Bâle en 1431.
Alors que son époux, le roi René, est retenu prisonnier du duc de Bourgogne, Isabelle de Lorraine nomme en 1435 une commission pour diriger les affaires et désigner un lieutenant militaire : Jean Bélard fait partie des quatre personnalités désignées, qui recevront encore la charge, en mai 1436, de réunir l'argent nécessaire pour payer la rançon.
Jean Bélard serait mort en 1449. -
Jacques Juvenel (ou Jouvenel) des Ursins (30 novembre 1449 - résigne le 30 octobre 1452)
Blason : bandé de gueules et d'argent, au chef du second, chargé d'une rose de gueules, et soutenu d'une divise d'or, chargé d'une anguille ondoyante en fasce d'azurJacques Juvenel (ou Juvénal) des Ursins naquit à Paris le 14 octobre 1410, il était le septième fils de Jean Juvenel des Ursins, prévôt des marchands de Paris et de Michelle de Vitry.
Bien que s’honorant des mêmes armes que la grande maison italienne des Orsini, dont elle prétendait descendre, la famille Juvenel des Ursins était originaire de la Champagne. En effet, Pierre Juvenel, drapier à Troyes en 1360, épousa une fille de Thibaut d'Assenay, vicomte de Troyes desquels naquit Jean Ier Juvenel, prévôt des marchands de Paris, qui eut seize enfants, dont Jean II Juvenel, qui fut archevêque de Reims, Guillaume Juvenel, qui devint chancelier de France, et notre Jacques Juvenel. Parvenue à la fortune, la famille crut rehausser sa noblesse récente par une prétendue parenté avec les Orsini et ajouta à son nom celui de des Ursins.
Jacques Juvenel étudie le droit (il obtiendra sa licence) et reçoit les ordres sacrés sans renoncer aux fonctions publiques auxquelles les implications familiales au service des Valois le prédestinaient : les Juvenel constituèrent un soutien fidèle à Charles VII, qui avait pu aussi compter sur son beau-frère René d'Anjou dans sa reconquête du pouvoir.
Premier pair de France, Jacques Juvenel succède comme avocat général à son frère Jean et prend part aux Etats d’Orléans en 1439. Chanoine de Paris il devient archidiacre de Notre-Dame en 1441, chanoine de Mende (26 août 1443) puis président à la Chambre des comptes (2 janvier 1444) et trésorier de la Sainte-Chapelle. Jacques Juvenel des Ursins, encore chanoine et archidiacre de Reims, en devint archevêque le 25 septembre 1444. Conseiller de Charles VII, il est commissaire royal auprès des Etats de Languedoc. En 1445 il assiste aux conférences de Chalons et s’acquitte de diverses missions en Angleterre en 1445, à Lyon, Gênes, Rome et en Savoie avec Jacques Cœur (1446-1448). En 1447, il préside à Lyon l’assemblée du clergé du royaume.
Le pape Nicolas V le nomme patriarche d’Antioche le 3 mars 1449 pour le récompenser de ses efforts en faveur de la paix de l’Eglise et notamment pour avoir obtenu l’abdication de l’antipape Félix V. Il se démet alors de l’archevêché de Reims en faveur de son frère aîné Jean II Juvenel et reçoit l’administration, le 5 novembre 1449, de l’évêché de Poitiers, et le 30 du même mois de celui de Fréjus (taxe payée à la Chambre apostolique le 20 décembre 1444), dignité qu'il échangea le 30 octobre 1452 avec Jacques Séguin contre celle de prieur de Saint-Martin-des-Champs à Paris, sans être jamais venu à Fréjus, s’étant contenté de faire administrer son diocèse par le vicaire général, Pierre Hémon.
En 1450, il est chargé d’une information sur le financier Xaincoings et préside l’assemblée du clergé à Chartres. Il défend Jacques Cœur lors de son procès.
Retiré à Poitiers dont son frère Jean est président du Parlement et où s’est établie une partie de sa famille, il y mourut le 12 mars 1457 et y fut enterré dans sa cathédrale, devant le grand autel.
Il avait fondé à Fréjus un anniversaire qui était célébré chaque 13 octobre. -
Jacques Séguin o.s.b. (20 octobre 1452 - 1453)
Originaire du diocèse de Clermont, docteur en droit canon, Jacques Séguin avait fait profession religieuse chez les Bénédictins. Etait-il immédiatement entré à l’abbaye de Cluny ou dans un de ses prieurés auvergnats ? Il est élevé au rang de grand prieur de Cluny probablement en 1421 au départ de son prédécesseur Jean de Vinzelles, sous l’abbatiat de Robert de Chaudesolles (tous deux anciens prieurs de Sauxillanges, un des principaux prieurés clunisiens d’Auvergne). A la mort de l’abbé en décembre 1423, c’est à lui que revient de convoquer le chapitre qui élira Eudes de la Perrière.
En février 1425, Jacques Séguin est placé à la tête de l’opulent prieuré royal de Saint-Martin-des-Champs, à Paris.
Du XIIème au XIVème siècle, cette charge avait conduit plusieurs de ses prédécesseurs à celle d’abbé de Cluny. Le monastère avait été prospère jusque-là, accueillant près de soixante-dix moines, dont de nombreux étudiants, avec un domaine foncier qui n’avait cessé de s’accroître et une juridiction sur plusieurs milliers d’âmes qui en faisait un des plus riches bénéfices de l’Eglise de Paris.
A l’époque où Jacques Séguin en assume la responsabilité, la situation a bien changé : l’incertitude dynastique consécutive à la mort de Charles VI a jeté Paris et la France dans la confusion politique et c’est dans une capitale meurtrie par l’ « occupation » anglaise, soumise à l’insécurité et aux épidémies, dépeuplée (elle est réduite à 80 000 habitants) que s’ouvre son administration qui durera vingt-sept ans. Dès l’année suivante, il bénéficie cependant de la brillante fondation (1426) des époux Philippe de Morvilliers, conseiller du roi Henri VI et premier président du Parlement « bourguignon » de Paris, et Jehanne du Drac, qui élisent sépulture en la chapelle Saint-Nicolas, dans le déambulatoire, contre une rente de 1600 livres et le don d’un mobilier liturgique coûteux (1429). Séguin venait de passer là un contrat avec un des personnages les plus importants du royaume et des plus controversés au regard de la situation politique de la capitale, puisqu’il avait été le principal artisan de la conclusion du Traité de Troyes qui offrait la couronne de France au roi d’Angleterre, « le plus cruel tyran qu’homme eût onques vu à Paris » au dire du Journal du Bourgeois de Paris en 1421.
La situation générale conduira au lent déclin du monastère où l’observance se relâchera et le temporel ira se dégradant. On ne s’étonnera pas alors que la figure du prieur apparaisse fort contrastée. On le voit par ailleurs s’éterniser dans un procès intenté contre lui au Parlement à partir de 1432 par le frère Louis de Coulon, l’hôtelier qu’il avait destitué.
Le 15 mars 1436, moins d’un mois avant l’arrivée des troupes de Charles VII, à la suite des trois évêques et cinq abbés parisiens, Jacques Séguin prête serment solennel de fidélité à Henri VI qu’on a peine à considérer encore comme roi de France et d’Angleterre. Fin mai, la ville étant au pouvoir de Charles VII, il doit présider à l’exhumation, dans une arrière-cour du couvent, des corps des principales victimes des massacres bourguignons de 1418 pour les ré-inhumer en grande pompe dans l’église priorale.
Dans une capitale désormais française mais exsangue, on le voit alors partager les difficultés de son monastère : le registre minutieux de ses dépenses de table entre 1438 et 1439 fait apparaître un homme d’une étonnante simplicité de mœurs. En 1438, il est atteint lui-même par la peste qui décime son monastère. Cela ne l’empêche pas de recevoir régulièrement à sa table plusieurs ecclésiastiques de marque (dont Guillaume de Villon, le protecteur du poète) et quelques procureurs et avocats au Parlement, des femmes aussi... A la faveur des difficultés de l’époque, le « monde » avait pénétré dans le cloître.
La paix d’Arras qui en 1435 avait uni Français et Bourguignons pour ouvrir à Charles VII la route de Paris intégrait une clause de maintien des personnalités en place ; n’empêche que la situation de Jacques Séguin était désormais précaire.
Est-ce le déclin du prieuré ou les tractations entreprises avec Jacques Juvenel pour obtenir l’évêché de Fréjus qui motivèrent une reprise en main vigoureuse du monastère par Cluny, qui n’épargna pas le prieur ? En témoigne, en 1452, une note du procureur général de l’Ordre lui reprochant d’avoir résisté aux injonctions qui lui avaient été faites et ordonnant son arrestation en faisant appel, si nécessaire, au bras séculier... « Et quia procurator generalis nostri Ordinis exposuit quod prefatus frater Jacobus Seguin, tanquam sue salutis immemor, plures et multas rebelliones et inobediencias quamplurimas [manque]... maleque vite, perjurio et simonia, aliisque pluribus criminibus irretitus et diffamatus (...) Dictum dominum Jacobum, priorem Sancti Martini, corrigant, puniant, capiant, detineant, et incarcerent ipsum... cum invocacione brachii secularis, si sit opus » (Bibl. nat. Ms lat. 2277, f°7).
Ce fut précisément cette année 1452 qu’il permuta finalement avec Jacques Juvenel dont la famille avait été un des meilleurs soutiens du nouveau roi Charles VII. L’évêque de Fréjus rejoignait les siens à Poitiers, ville qui avait vu affluer partie des forces vives d’un Paris déserté, mais comptait bien avoir un pied dans la capitale par cet échange réglé de bout en bout par son procureur, David de Neuville, qui solda auprès de la Chambre apostolique les taxes en faveur de Jacques Séguin pour le diocèse qui devenait le sien mais qui ne représentait visiblement pas le même enjeu qu’un prieuré parisien... Jacques Séguin fut nommé évêque de Fréjus par le pape Nicolas V immédiatement reçue la renonciation de son prédécesseur, le 20 octobre 1452.
Son épiscopat fut de très courte durée : il mourut fin avril ou début mai 1453 puisque le diocèse de Fréjus, vacant, était administré le 5 mai par le protonotaire apostolique Bernard de Candie.
Son successeur reçut sa nomination le 27 juin 1453.
Dans sa Cosmographie universelle de tout le monde (Paris, 1575) qui regorge d’inexactitudes, François de Belleforest prétend que sa sépulture se trouve dans le chœur du prieuré parisien de Saint-Martin-des-Champs (p.215). -
Cardinal Guillaume d'Estaing o.s.b. (27 juin 1453 - meurt le 28 octobre 1455)
Blason : écartelé: aux 1 et 4, d’argent à la tête d’homme, aux 2 et 3, de pourpre plainGuillaume Huin (alias Huyn, Hugon, Hugues), né à Etain, au diocèse de Verdun, en plein duché de Bar, vers 1400, était fils de Beuvin de Huyn, seigneur de Bloucq, frère de Jean, gouverneur des salines de Marsal. Il semble qu'il ait été formé chez les bénédictins. Prêtre, il est attesté au moins depuis 1429 comme docteur en droit civil, puis au moins depuis 1434 in utroque iure, titre probablement accordé par l’université de Louvain.
Entre 1424 et 1431, on le voit concourrir à divers canonicats à Metz et à Verdun et obtenir finalement l’archidiaconé de ces deux églises (il sera également titulaire de stalles aux chapitres d'Arras et de Reims).
Les évènements violents qui l’opposent à l’évêque Louis de Haraucourt, évêque de Verdun, et l’obligent à résider habituellement à Metz, l’amènent à entrer en contact avec des proches du roi René, comme l’évêque Guillaume Fillâtre, fils d’un gouverneur du Maine, qui sera tour à tour évêque de Verdun, de Toul et de Tournai et qu’il réconcilie avec son chapitre dans sa maison de Bâle en 1439.
C’est en effet dans cette ville qu’il se transporte à partir de 1431 et jusqu’en 1443 pour participer au concile auquel il a été invité : il y est officiellement incorporé le 17 avril 1433 comme membre d’une des quatre sections du concile, la deputacio fidei. Il ne manque pas d’y défendre ses propres intérêts mais reçoit en 1433 la charge de iudex concilii. Bien que n’étant pas titulaire d’un siège épiscopal, mais accueilli au titre du clergé de formation universitaire, Guillaume d’Estaing, reconnu « expertissimus in iudicando », membre de l’influente nacio gallicana, multiplia les missions (à Arras en juin 1435 pour tenter une médiation dans la Guerre de Cent ans, auprès du roi Charles VII en 1436-37, à Avignon durant l’été 1437) et devint un des pères conciliaires les plus en vue. Finalement, après la « déposition » d’Eugène IV le 25 juin 1439, il participa activement à l’élection de l’antipape Félix V désigné le 5 novembre 1439, et multiplia les ambassades pour lui gagner des soutiens (Mayence, Francfort, Nuremberg, Aix-la-Chapelle et Trèves). Félix V le créa cardinal le 6 avril 1444 à Genève, avec le titre de Saint-Marcel.
Après le ralliement de Félix V, Guillaume est absout par le pape Nicolas V qui lui confère le titre cardinalice de Sainte-Sabine le 12 janvier 1450. Il gagne Rome le 30 novembre 1450 et y reçoit le chapeau le 1er décembre.
Désormais, celui qu’on nomme le cardinal de Metz séjournera dans la Ville éternelle, même s’il est chargé d’une légation en Lorraine où il s’était employé, à partir de 1437, à faire rebâtir le chœur de l’église de son village natal en style flamboyant et à s’y faire représenter dans la pierre et où il cumule nombre de bénéfices dont celui – contesté – d’abbé de Saint-Vanne de Verdun.
Nommé prince-évêque de Sion le 1er mars 1451, il ne peut prendre possession de son siège par suite d’un conflit avec le chapitre qui lui préfère son doyen, Henri Asperlin. Il résignera donc ce titre le 11 septembre 1454.
Il assume la charge de camerlingue du Sacré Collège de novembre 1452 au 5 novembre 1453.
Il est pourvu de l’évêché de Fréjus (comme administrateur) le 27 juin 1453, qu’il conserve jusqu’à sa mort, même si sa fonction le dispense de la résidence : il ne laissa aucune trace à Fréjus qu’il ne visita jamais. De nouveau, c’était un sujet du roi René, duc de Bar et d’Anjou, comte de Provence qu’on avait placé sur ce siège.
Le cardinal Guillaume d’Estaing participe au conclave de 1455 qui élira Calixte III.
Il meurt le 28 octobre 1455, salué par son collègue à Bâle et futur pape Pie II, Eneas Silvio Piccolomini, comme «vir et naturali et acquisito memorabilis ». Il est enterré à Rome dans la chapelle du Rosaire de son église titulaire, de Sainte-Sabine. Sa dalle funéraire visible encore aujourd’hui en haut du collatéral droit conserve son épitaphe et son effigie. Son ami, le cardinal Pierre Barbo fut son exécuteur testamentaire, qui monta sur le siège de Pierre neuf ans plus tard sous le nom de Paul II.Epitaphe :
« VGONIS GVILLERMVS ERAM CONSVLTVS VTROQVE IVRE SED ESTAGNO VIRDVNIS NATVS IN ORIS PRESBYTER INTACHE TITVLO PRESTANTE [S S]ABINE INTER CARDINEOS DONATVS DENIQVE PATRES OBII AN MCCCCLV DIE XXVIII OCTOBRIS »
(J’étais Guillaume d’Hugues d’abord jurisconsulte dans l’un et l’autre droit natif d’Estaing de Verdun ensuite prêtre du titre de [Ste S]abine adjoint aux Pères cardinaux, je mourus l’an 1455 le 28 octobre).
Son chapeau cardinalice fut suspendu sous la voûte de l’église Saint-Martin d’Etain où on le voyait jusqu’à la Révolution française. Une inscription sur le mur droit du chœur, probablement mal transcrite, laissa supposer que son corps y avait également été transporté, elle disait ceci : « Cy est révérend père en Dieu, maistre Guillaume Huin, docteur en lois et décrets, cardinal de Sainte-Sabine, natif de cette ville, qui trépassa l’an 1456 (sic), vigile Saint-Jude et Simon, a fait édifier cette chapelle à l’honneur de Dieu, de Saint-Jehan évangéliste et Sainte-Katherine, laquelle est mise à l’usage du chœur de cette paroche et est icelle de retenue des habitants d’ici pource que qu’ils ont les héritages à cette charge en mémoire duquel cardinal, sera célébré par an en icelle service solemnel, pour lequel la diste ville payera xii gros au curé et vi gros au clergié. Priez Dieu pour luy. », telle qu’elle est, du moins, rapportée dans l’Histoire de la ville d’Etain par Marc Petit de Baroncourt (Verdun, 1835, p.35). -
Jean du Bellay o.s.b. (7 novembre 1455- résigne en mars 1462 pour être transféré à Poitiers)
Blason : Ecartelé au 1 et 4 d’argent à la bande fuselée de gueules accompagnée de six fleurs de lys d’azur en orle (du Bellay), au 2 et 3 d'azur semé de lys d'or au lion du même brochant sur le tout (Beaumont-le-Vicomte), sur le tout : d'argent au chef de gueules au lion d'azur armé, lampassé et couronné d'or brochant sur le tout (Vendôme ancien). (Dictionnaire et armorial de l'épiscopat français 1200-2000)
Né en Anjou vers 1400, Jean du Bellay dit le Jeune, fils d’Hugues du Bellay (conseiller de Louis Ier, duc d’Anjou) et d’Isabeau de Montigny, était entré en 1416 à la prestigieuse abbaye bénédictine de Saint-Florent, près de Saumur, dont l’oncle Jean du Bellay l’Aîné était abbé depuis 1404. Il y fit profession l’année suivante et y reçoit la dignité de prévôt de Saint-Laurent du Mottay en 1425.
Se sentant vieillir, Jean du Bellay l'Aîné obtient du pape Eugène IV de résigner en sa faveur le titre abbatial qui lui est accordé le 21 avril 1431, ce qui lui permet de prendre possession le 10 juillet suivant. Le nouvel abbé poursuit les travaux de fortifications de l’abbaye entrepris par son oncle, ainsi que sa gestion rigoureuse qui en avait fait un centre religieux et économique de premier plan au point de servir de banque à la noblesse d’Anjou et du Maine ou d’accueillir Jeanne d’Arc l’espace de quelques jours, probablement en 1429, venue y visiter le duc d’Alençon, sa mère et son épouse, la fille de Charles d’Orléans qui y résidaient.
Très attaché à son abbaye qui avait contribué à asseoir sa famille, Jean du Bellay ne la cèdera à son tour à son neveu, Louis du Bellay, que le 16 novembre 1474. Ainsi, les abbés du Bellay la dirigeront un siècle entier, de 1404 à 1504...
Entre temps, le roi René, duc d’Anjou et comte de Provence, fait nommer Jean du Bellay à l’évêché de Fréjus dont le pape Calixte III le pourvut, au consistoire du 7 novembre 1455 (cinq jours plus tard, son procureur Gasquet acquitta à la chambre apostolique les 1400 florins pour lesquels son Eglise était taxée).
La pittoresque géographie politique de l’époque avait une nouvelle fois placé un angevin sur le siège de saint Léonce, même s’il est vraisemblable qu’il ne vint jamais à Fréjus qu’il gouverna par l’intermédiaire de ses grands vicaires Michel Groleau et Guillaume Clérembaud.
Il fut sacré le 21 mars 1456 dans la cathédrale d’Angers par le cardinal Alain de Coëtivy (frère d'un gendre de Charles VII), assisté de Mgr Nicola de Brancas, évêque de Marseille, plusieurs fois ambassadeur du roi René à Rome, et de Mgr Gabriel du Châtel, évêque d’Uzès (cousin du cardinal).
En 1462, il proposa à Léon Guérinet, évêque de Poitiers, d’échanger avec lui son diocèse et fut préconisé pour ce siège le 15 avril.
Il présida durant dix-sept ans l’Eglise de Poitiers, jusqu’à sa mort qui y advint le 3 septembre 1479.
Il fut inhumé dans son abbaye de Saint-Florent.
Pour son tombeau considéré comme « le plus grand et le plus beau morceau de sculpture de l'Anjou », son neveu fit appel à un artiste inconnu, qui pourrait appartenir à l'atelier de Michel Colombe, alors fixé à Tours et en relation avec l'abbaye. Le monument fut anéanti lors de la destruction de l'abbatiale consécutive à la Révolution française ; n’en demeurent que les soubassements, à l'entrée du chœur, et un fragment de jugement dernier.
Jean du Bellay était le grand-oncle du cardinal Jean du Bellay et de son frère René, évêque de Grasse (1532-1533) puis du Mans (1535-1546), d’Eustache du Bellay, évêque de Paris (1551-1563), et de son frère Jean, le père du poète Joachim du Bellay. -
Léon Guérinet (29 mars 1462- 18 juillet 1472)
Blason : d'argent au chevron de gueules accosté de trois canettes de sable (Dictionnaire et armorial de l'épiscopat français 1200-2000)
Léon (ou Léonet) Guérinet, lui aussi d'origine angevine, était fils de Jean Guérinet et de Perrette Grasseteau. Ses frères et sœurs se nommaient Denys, Jean, François, général des aides en Poitou, secrétaire du dauphin Louis, fils de Charles VII, seigneur du Verger, et Perrette, épouse de Jean Payen, seigneur de la Fougereuse.Léon Guérinet mena une double carrière ecclésiastique et administrative. La première mention de lui qui a été retenue ne cesse d’étonner et éclaire les difficultés de son parcours : le 28 février 1432, dans la salle du Palais, à Poitiers, l'avocat qu'il était se prit de querelle avec Jean Vousy, secrétaire du roi. Des paroles on en vint promptement aux coups... Jean Rabateau, avocat criminel au Parlement, prit fait et cause pour Guérinet et lui prêta main-forte. Cette scène fit scandale et la cour ordonna de prendre au corps et d’enfermer à la Conciergerie les deux avocats. Le premier, étant clerc, fut réclamé par l'autorité ecclésiastique. Malgré cela et l’opposition du Parlement, l’affaire fut renvoyée au grand conseil du roi et jugée par lui. L’aventure n’entrava pas la carrière de Léon Guérinet : peu de temps après, le 27 avril 1433, il était nommé conseiller clerc en ce même Parlement, en remplacement de Charles de Vaudétar.
Tout en conservant sa charge au Parlement, Guérinet poursuivit un brillant parcours ecclésiastique : de prévôt du chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand à Poitiers (on garde la trace d'un conflit qui l'opposait avec son chapitre au trésorier, en 1449), Guérinet devint prévôt du chapitre cathédral de Poitiers (la Gallia christiana le donne doyen autour de 1456). Puis, à la mort de Jacques Juvenel des Ursins, le 12 mars 1457, il fut élu par les chanoines pour lui succéder sur le siège épiscopal de Poitiers et y fit son entrée solennelle le 27 novembre 1457. Mais ce ne fut pas sans contestation car Charles VII avait promis la succession de Jacques Juvenel à Jean du Bellay. Ce dernier prit l'administration du diocèse, à charge de payer à Léon Guérinet qui s'était retiré au château de la Roche-Posay dont les seigneurs étaient alliés à sa famille, une pension annuelle. Guérinet prit cependant le titre d'évêque de Poitiers et fut tenu pour tel car on le voit ès qualité participer à l’élévation des reliques de saint Vincent Ferrier à Vannes, début juin 1456 (Dom Guy-Alexis Lobineau, Vies des saints de Bretagne, Rennes, 1724, p.130) puis passer un concordat avec le chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand, au sujet de ses privilèges et exemptions, le 25 octobre 1460.
Cependant, dans la situation inconfortable qui était la sienne, il préféra en 1462 accepter une permutation avec Jean du Bellay qui était resté évêque de Fréjus et désirait se rapprocher de sa patrie, moyennant une rente de 600 francs sur les revenus de la mense de Poitiers.
Léon Guérinet fut ainsi préconisé évêque de Fréjus le 29 mars 1462. Avant même de s’y rendre il y envoya son frère, Denis Guérinet, prêtre et licencié en droit dont il fit son vicaire général ; un autre frère, François, fut associé à ses affaires ainsi qu’un neveu qui porte le même prénom que lui, Léon, qu’il nomma viguier de Fréjus malgré sa jeunesse et son incapacité. Ce choix valut à l’évêque une sévère réprimande du sénéchal de Provence, qui lui ordonna de le renvoyer et de ne nommer un autre viguier qu’avec son agrément. On rencontre encore un Jean « Garineti » et un autre neveu, Jean Brunet, qui est son agent d’affaire et que l’oncle marie et dote à Fréjus.
On ne lui connaît pas d’activité outre que temporelle : il engagea un procès avec les habitants de Fréjus sur la seigneurie de la ville.
L’inconfortable évêque finit par se démettre en 1472, se réservant une pension de 1500 florins qui lui fut versée encore plusieurs années.
Léon Guérinet revint finir ses jours dans sa région d’origine. On ignore la date de son décès qui eut lieu après le 9 octobre 1482, jour où il préside encore une cérémonie pour René d’Anjou, dans le cadre des funérailles définitives du roi à Angers.
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Reginald (ou Raynaud) d'Angline (18 juillet 1472 – août ou septembre 1472)
C’est le vendredi 18 juillet 1472 que Sixte IV accepte la démission de Léon Guérinet auquel il garantit une pension, et qu’il nomme à sa place le procureur du roi de France à Rome, Réginald, évêque de Fréjus.
Le 31 du même mois le représentant de Réginald s’engage à payer les redevances d’usage auprès de la Chambre apostolique.
Un acte d’un notaire de Fréjus nous apprend que le révérend Père et seigneur Réginald d’Angline, à peine nommé évêque, était décédé.
En effet, le 16 septembre 1472 Sixte IV pourvoit à son remplacement avec la nomination d’Urbain Fieschi.
On suppose que Réginald d’Angline n’a même pas eu le temps d’être sacré, ni la possibilité de rejoindre sa ville épiscopale, même si sa mort eut lieu hors de Rome.