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Le groupe épiscopal de Fréjus
Cet édifice avec la masse des bâtiments qui le flanquent qu’on nomme « le groupe épiscopal » : baptistère, palais de l’évêque, maison canoniale dessine aujourd’hui la silhouette de la vieille ville et nous raconte l’histoire de sa communauté chrétienne.Si la cité romaine n’a pas manqué d’être touchée très tôt par l’évangélisation de la Provence, les premières traces écrites sur l’Eglise de Fréjus ne remontent pas au-delà du IVème siècle. C’est par un acte d’humilité que s’ouvre sa documentation historique, avec un concile réuni en 374 à Valence pour traiter du cas du prêtre Acceptus qui venait de refuser la charge épiscopale en s’accusant de délits imaginaires pour mieux obtenir l’assentiment du peuple. La liste des évêques ne se refermera plus et leur nom restera désormais attaché à l’histoire spirituelle mais aussi humaine et culturelle de la ville.
Ainsi quelques années après cet événement, le nîmois Léonce succède sur le siège de Fréjus à l’évêque qui l’avait ordonné prêtre. C’est lui qui accueillit saint Honorat sur l’île de Lérins pour y fonder son monastère, qui structura fortement la communauté chrétienne de Fréjus et posa les bases de l’édifice que vous avez sous les yeux jusqu’à mériter de lui donner son nom : « Cathédrale Notre-Dame et Saint-Léonce ». A proximité du cardo maximus (axe principal de la ville), il l’établit au cœur de la cité, sur un emplacement stratégique et prestigieux.
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Le palais épiscopal
A droite de la cathédrale, l’Hôtel de Ville occupe depuis un siècle le palais que les évêques successifs aménagèrent jusqu’à leur expulsion en 1906. Mgr Félix Guillibert, après avoir alors trouvé des logements temporaires, s’établit au 133 de la rue Jean-Jaurès actuelle. Ses successeurs Auguste Simeone (1926-1940) et Auguste Gaudel (1941-1960) y demeureront jusqu’au transfert de la résidence épiscopale à Toulon, en 1958.
Le palais, réaménagé après la Révolution française par Mgr Charles-Alexandre de Richery (1823-1829) garde des traces de son passé médiéval, très visibles de l’extérieur par la rue Bausset. De là, l’imposante muraille à bossages n’est pas sans rappeler l’époque avignonnaise et la figure de Jacques Duèze, évêque de Fréjus de 1300 à 1310, devenu pape sous le nom de Jean XXII en 1316. A l’étage de la tour d’angle appelée « Tour du Belvédère », l’ancienne chambre de l’évêque, voûtée sur croisées d’ogives présente un ensemble intéressant de culs de lampes et de clés de voûtes gothiques. Elle garde son décor peint du XIXème siècle, alors qu’elle était devenue la chapelle privée de l’évêque (« chapelle Saint-André »), l’autel et sa garniture ayant été déplacés à l’église de Saint-Aygulf. On notera encore la grande salle basse, du XIIIème siècle. L’ensemble ne se visite pas.
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La façade de la cathédrale de Fréjus
Le clocher carré des XII-XIIIèmes siècles surmonté d’un étage polygonal du XVIème siècle et de quatre clochetons restitués en 1986 surplombe de ses tuiles vernissées une entrée discrète qui n’ouvre pas sur le pignon occidental mais donne modestement accès au passage conduisant, entre le baptistère et l’église, au cloître des chanoines. Il abrite quatre cloches dont une fut donnée par le futur pape Jean XXII, en 1303, et baptisée Saint-Léonce. Elle est la plus volumineuse et, après une refonte en 1770, elle a pu parvenir jusqu’à nous. Une autre, datée de 1445 « MCCCCXXXXIIIII », est suspendue dans le petit campanile qui est accroché au clocher ; il s’agit peut-être de la « spitalière », l’ancienne cloche du chapitre, avec un texte honorant la Vierge Marie « Ave Maria gratia plena Dominus tecum » et décorée de deux Vierges à l’Enfant et d’un saint Léonce, elle a un diamètre de 0,63m.A droite du portail, le cadran solaire de 1781, récemment restauré (remise en place courant 2012) porte cette inscription : « Res sacras cleri Themidis Martisque labores & patrios coetus lumen & umbra regit. » (ombre et lumière règlent les offices du clergé, le travail de Thémis (justice) et de Mars (armes) ainsi que les assemblées des anciens).
A gauche, l'octogone du baptistère du Ve siècle tel qu’il apparaît après sa dernière grande restauration à partir de 1924 par l’architecte Jules Formigé.
Le portail de la cathédrale, sous une fenêtre à meneaux d’une des salles du chapitre, porte les traces d’une restauration d’époque Renaissance. L’arc en accolade décoré de feuilles de choux est une reprise récente, seul demeure d’origine, le linteau finement sculpté et qui livre son âge : « 1er avril 1530 ».Les vantaux de la porte en noyer, habituellement cachés par des panneaux de protection datent de la même époque et constituent un des trésors les plus originaux de l’édifice. Les panneaux supérieurs illustrent des scènes de la vie de la Vierge (mariage, Annonciation, Nativité, Assomption) encadrées des représentations de saint Pierre et de saint Paul ; les panneaux inférieurs présentent quatre bustes avec tout un décor de vases, candélabres, pilastres, frises végétales, trophées d’armes et autres motifs caractéristiques du langage ornemental de la Renaissance.
En entrant dans l’édifice, une volée de marches conduit, sous une forte voûte en plein cintre au niveau de l’église. En face, au delà de la grille apparaît le cloître des chanoines, du XIIIème siècle : espace de circulation pour ces prêtres qui, sous l’autorité d’un doyen ou prévôt, assistent l’évêque dans le service de la prière et du gouvernement du diocèse et qui, sans mener une vie commune à l’instar des moines, exercent ensemble leurs fonctions à l’ombre de la cathédrale qui les réunit plusieurs fois par jour pour le chant de l’office. Le cloître de Fréjus offre une collection étonnante de panneaux de bois peints des XIV-XVèmes siècles. Sa visite (payante) est possible à partir de l’entrée située rue Fleury.
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Le baptistère
Au bas des marches, à gauche, derrière une grille s’ouvre le baptistère.
Il constitue un des bâtiments essentiels de la première communauté chrétienne. Peu importante à l’origine, celle-ci est groupée autour d’un évêque qui habite une maison, administre des œuvres de charité, célèbre dans l’église qui abrite sa « cathèdre » (siège d’où il enseigne), d’où le nom « cathédrale », et qui seul baptise les adultes qui désirent rejoindre l’Eglise dans un bâtiment spécifique, contigu à l’église, et à l’architecture adaptée (de petite taille avec un plan centré) : le baptistère.
De cette configuration primitive (l’extension de l’Eglise conduira à multiplier les églises paroissiales et à y faire administrer le baptême par les prêtres, collaborateurs des évêques), la région conserve un certain nombre d’exemples avec les baptistères d’Albenga, Aix, Marseille, Riez ou encore Vénasque ou Cimiez. Celui de Fréjus, remontant aux V-VIèmes siècles, est un des plus anciens.Ceux qu’on nomme encore aujourd’hui les « catéchumènes », autrement dit les candidats au baptême, entraient dans le baptistère par la petite porte aujourd’hui condamnée par la volée d’escalier. Ce n’est qu’au début du XVIIIème siècle que le futur cardinal André-Hercule de Fleury, alors évêque de Fréjus (1698-1715), fit ouvrir la porte centrale actuelle et y plaça l’élégante grille de fer forgé.
L’intérieur se présente comme un octogone alternant niches semi-circulaires et niches rectangulaires, scandées par des colonnes antiques de réemploi en granit aux chapiteaux datant des II-Vèmes siècles. Au-dessus des arcades de moellons et de briques, seize piles rectangulaires rythment les arcades aveugles et les fenêtres, faisant passer l’octogone à une figure à seize pans. Au sommet pouvait s’élever plus facilement une coupole restituée en 1930, avec ses huit mètres de diamètre.
Au centre, la piscine baptismale était alimentée par une conduite d’eau et disposait d’un écoulement, ainsi que d’un parement intérieur aujourd’hui disparus. Elle était surmontée d’une sorte de ciborium supporté par huit colonnes dont les bases ont été matérialisées. Le baptême s’y administrait par immersion, le « néophyte » (nouveau baptisé) revêtu du vêtement blanc de la Résurrection pouvait alors sortir par la porte haute aujourd’hui fermée et qui, dans l’axe de l’édifice, donnait accès à l’église où il était alors initié au sacrement de l’Eucharistie.
Affecté au culte, le baptistère accueille chaque année de nombreux baptêmes qu’une restauration éventuelle rendra peut-être un jour de nouveau possibles sous le mode antique de l’immersion. -
L'entrée de la cathédrale
L’entrée en est délimitée par quatre énormes piliers du XIIème siècle supportant des arcs étroits qui soulignent encore leur hauteur. Leur fonction principale est de soutenir le clocher.
A droite un espace d’accueil est dominé par le tableau de l’Assomption (en restauration en 2012). Probablement disposé à l’origine à une place centrale de l’édifice, il donne à voir ses deux saints titulaires : la Vierge Marie, d’abord, dont le corps soutenu par les anges est élevé aux cieux pour manifester sa participation à la résurrection de son Fils Jésus jusque dans son corps (la cathédrale de Fréjus est précisément placée sous le vocable de l’Assomption de Marie), et saint Léonce, au bas du tableau, sur le côté gauche, avec sa mitre, sa chape et sa longue barbe.
Un détail pittoresque : la silhouette de l’ancienne Fréjus, surplombant la mer, avec le clocher de la cathédrale et les tours du palais épiscopal, visible entre les deux personnages agenouillés.
Celui de droite nous en donne la date : il s’agit de l’évêque qui a probablement commandé le tableau, selon toute vraisemblance, Mgr Barthélémy Camelin, évêque de Fréjus de 1599 à 1637, et dont on retrouvera la figure dans quelques instants.
C’est ce fils de Fréjus qui fit faire d’importantes réparations à la cathédrale au sortir de la guerre civile, établissant une boiserie autour du chœur et y plaçant de grandes orgues en tribune.
C’est lui encore qui consacra en 1613 l’église Saint-François-de-Paule, établit les Jésuites et les Dominicains et qui fera composer le premier ouvrage sur saint Léonce.
Ce tableau a été attribué à l’école des Carrache, célèbre famille de peintres bolognais au tournant des XVI et XVIIèmes siècles.
En face, à côté de la porte donnant accès au clocher, et sur un mur antique, une œuvre anonyme du XIXème siècle représentant l’apparition du Christ en 1675 à sainte Marguerite-Marie, religieuse visitandine de Paray-le-Monial. Le message donné alors : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, [...] jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour, et pour reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes... » et la dévotion qui s’ensuivit, au « Sacré-Cœur de Jésus » fut la réponse la plus appropriée aux ravages du mouvement janséniste qui tendait alors à éloigner l’homme de la grandeur divine. On retrouvera la même scène sur une toile du XVIIIème siècle dans la nef latérale.
On remarquera sur le pilier gauche, en entrant dans la grand-nef, des marques de tâcherons, on en trouvera en plusieurs endroits de la cathédrale. Ce signe géométrique propre à chaque ouvrier n’a d’autre signification que d’identifier le travail accompli par les tailleurs de pierre pour établir leur salaire, comme une sorte de signature.
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La nef principale
Elle est appelée « nef Notre-Dame ». Sur le côté gauche (nord) elle est flanquée d’un collatéral appelé « Saint-Etienne ».
Cette disposition asymétrique qui semble étrange et peu fonctionnelle répond cependant à un plan assez répandu des cathédrales primitives, qu’on songe à la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse, à la première cathédrale de Rouen, à celles d’Aquilée, de Trèves, de Genève, de Grenoble ou plus proches d’Aix-en-Provence ou d’Apt, etc. Il peut s’agir d’un mode d’agrandissement d’un édifice antérieur trop exigu, cela correspond aussi à la nécessité des fonctions liturgiques d’une cathédrale qui a conduit, là où on en avait les moyens, à la construction d’une, voire de deux autres églises plus petites à ses côtés, pour permettre le déploiement des processions et autres célébrations entre deux lieux distincts. L’explication souvent donnée d’une nef « paroissiale » et d’une nef « épiscopale » ne se rencontre nulle part ailleurs et ne convainc pas.
Malgré le sentiment d’unité, l’ensemble de la cathédrale a subi de nombreux remaniements dont il n’est pas toujours facile de comprendre les étapes. Le début de la nef Saint-Etienne (gauche) remonterait au XIème siècle, un peu plus tardif serait son prolongement vers l’est ainsi que le premier mur de droite de la nef principale, l’ensemble de la nef Notre-Dame datant du XIIIème siècle. En fait, les archéologues diffèrent sensiblement sur la chronologie de la construction. Il semble assuré que l’immense chantier de reconstruction qui s’est étalé sur plusieurs siècles ait voulu réparer les dégâts consécutifs à l’occupation sarrasine, sous l’impulsion de l’évêque Riculphe (973-1000), revenu de son refuge de l’abbaye de Montmajour, près d’Arles, pour reconstruire la cité ruinée, et de ses successeurs.
On est saisi par la sobriété, l’impression de robustesse et l’harmonie de la nef fermée par un cul-de-four d’une régularité et d’un dépouillement qui flattent l’œil du touriste moderne. Il n’en a pas toujours été ainsi, nous le verrons en découvrant les vestiges des décors successifs accumulés par les générations.
Au revers du mur de gauche, une toile anonyme, datée de 1698 illustrant les âmes du Purgatoire. Au centre, l’archange saint Michel pèse les âmes. Au bas du tableau, le feu du Purgatoire purifie les âmes en attente de la vision béatifique, tendant leur bras et leur prière vers la partie supérieure qu’occupent le Christ et la Vierge implorant la miséricorde de son fils, au milieu des anges.
Au dessus, se devine encore l’accès à la tribune de l’orgue, aujourd’hui disparue.
De l’autre côté, sur la droite, la mort de saint Joseph, du XVIIIème siècle, considérée comme le modèle de la « bonne mort », met en scène la Sainte Famille au moment du trépas du père adoptif de Jésus.
En avançant dans la nef principale, sur le mur de droite, un immense panneau de bois, « La Sainte Famille » daté de 1561 est signé de Camillo Saturno, peintre d' origine romaine, actif en Provence de 1561 à 1576, principalement à Aix-en-Provence où il travaille pour le Cardinal Strozzi, archevêque d'Aix. Il est à noter qu’entre 1472 et 1564 se succèdent sur le siège de Fréjus presque sans interruption une série de prélats italiens, en l’occurrence, Leone Orsini (1525-1564), qui résidèrent fort peu en Provence mais qui y introduirent le raffinement culturel de leurs origines. Dans un riche décor romain minéral et végétal, plein de détails savoureux et sous le regard bienveillant d’angelots, Joseph (à droite) contemple avec recul, selon les règles de l’iconographie classique qui veut exprimer par là qu’il n’eut aucune part dans la naissance du Sauveur, le jeu de l’enfant Jésus et de son cousin Jean-Baptiste accompagnés de leur mère : la Vierge Marie lisant (au centre) et la vieille Elisabeth (à gauche). Deux jeunes femmes se tiennent à l’arrière, telle des figures allégoriques, qui peuvent être aussi des portraits.
En poursuivant votre avancée vers l’autel, le grand orgue dresse sa masse majestueuse. Il est l’œuvre du facteur réputé Pascal Quoirin et fut inauguré en décembre 1991. Ses 2260 tuyaux se groupent en 35 jeux. Il permet l’interprétation du répertoire des XVII et XVIIIèmes siècles ainsi que certaines pages néo-classiques et contemporaines.
Son buffet de marqueteries utilise une variété de 18 bois exotiques différents.
L’orgue dissimule en partie une grande plaque de marbre, au texte ampoulé, rappelant le souvenir de Mgr Louis Michel, évêque de Fréjus de 1829 à 1845, inhumé dans le chœur de la cathédrale.
Elle fait face à celle qui est placée sur le pilier de gauche et évoque le dernier évêque d’avant la Révolution française : « A Dieu très bon et très grand. A la mémoire d’Emmanuel-François de Bausset Roquefort qui pour la cause de Dieu et de la religion, chassé par l’iniquité des temps du siège de Fréjus qu’il avait très dignement occupé durant trente-sept ans, se jetant dans le sein de la divine providence et secouant la poussière de ses pieds, soutint l’exil comme le tribut du service pastoral. Ayant déposé le soin de son troupeau entre les mains du Très Saint Père le pape Pie VII, il mourut très saintement à Fiume le 10 février de l’an 1802. Il vécut 71 ans 1 mois et 18 jours. Il fut inhumé dans l’église Saint-Guy. A son oncle très pieux et très aimé Pierre Ferdinand de Bausset Roquefort, archevêque d’Aix a posé (cette plaque) dans les larmes, l’an du Seigneur 1821. »
Toutes les deux sont ornées des armoiries respectives des deux prélats.
Arrivé au pied des marches du chœur, le visiteur contemple ce qui constitue l’âme de l’édifice et lui en donne le sens : derrière l’autel où se célèbre quotidiennement le sacrifice du Christ, le siège ou « cathèdre » de l’évêque, expression de l’autorité paternelle exercée depuis plus de seize siècle sur la communauté humaine qu’il enseigne, sanctifie et gouverne au nom du Christ. Si, depuis 1958, l’évêque qui porte aujourd’hui le nom d’ « évêque de Fréjus-Toulon » réside au chef-lieu du département, cette église demeure co-cathédrale (la seule aux yeux de l’Etat qui, à ce titre, en est propriétaire) ; l’évêque est le seul à pouvoir utiliser le siège qui occupe le fond de l’abside ; c’est lui qui, le 3 juillet 2011, a béni et consacré le nouveau mobilier liturgique (autel, ambon ou pupitre, cathèdre, sièges de présidence) conçu par l’artiste parisienne Françoise Bissara-Fréreau et réalisé en partie par des artisans locaux. Cet apport contemporain exprime avec bonheur comment l’Eglise continue de vivre et d’habiter ces lieux dans une permanence qui répond aux besoins de chaque époque.
Lui faisant écrin, les stalles du milieu du XVème siècle (1441), remaniées au XVIIIème siècle et en partie déplacées au XXème siècle avaient pour fonction d’accueillir le chœur des chanoines pour le chant de l’office ; au centre de celles-ci, derrière l’autel se trouvait jusque dans les années 1960 l’énorme lutrin du XVIIème siècle (très voisin de celui de Lorgues dont les chanoines de la collégiale firent l’acquisition en 1729), maintenant placé sur votre gauche, en haut de la nef Saint-Etienne, et qui permettait de conserver et de présenter à la lecture les livres liturgiques monumentaux appelés antiphonaires.
Sous les dalles du chœur, reposent un certain nombre d’évêques dont les épitaphes sont encore lisibles au pied de l’autel, ou sur le degré de droite : NN. SS. Joseph Zongo Ondedei (1674), Antoine Benoît de Clermont Tonnerre Crusy (1678), Louis Michel (1845), Joseph Terris (1885), Louis Arnaud (1905), Adolphe Camille Guillibert (1926), Auguste Simeone (1940).
En partant sur la gauche, la statue de la Vierge Marie, est une belle œuvre de marbre blanc, du XIXème siècle.
Le cul de four de l’abside est enchâssé dans une tour crénelée visible de l’arrière de la cathédrale.
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La nef « Saint-Etienne »
Le vocable de « Saint-Etienne » est, après celui de la Vierge Marie, le plus répandu pour les cathédrales de la Gaule primitive. Il ne s’agit pas pour autant d’une église indépendante mais bien d’une nef de l’unique cathédrale.
Son abside fut jusqu’à la fin du XXème siècle occupée par un autel avec retable dédié au premier des martyrs, aujourd’hui déplacé au bas du vaisseau.
A sa place fut installé le magnifique maître-autel de la cathédrale offert en 1778 par Mgr Emmanuel-François de Bausset Roquefort (1766-1801). Il conserve le Saint-Sacrement, c’est-à-dire la présence même de Jésus sous l’apparence du pain consacré. A ce titre, ce lieu est un lieu de prière et de silence.
Sur la paroi de droite, le peintre d’origine toulonnaise Paulin Guérin (1783-1855), élève de Gérard, nous offre dans une représentation pyramidale assez académique une vision de la Sainte Famille représentée avec Elisabeth et son fils Jean-Baptiste, déjà revêtu de peau de bête et présentant à Jésus une grenade, allégorie de la charité. (Cette toile fut achetée au Salon de 1828).
Dessous, dressée contre le mur, la dalle funéraire de Mgr Louis de Bouillac (1385-1405), son corps retrouvé par les archéologues dans le sol de cette chapelle reposait à l’intérieur d’un sarcophage antique de réemploi orné de griffons, maintenant exposé à gauche de l’autel ; sa crosse et son anneau pastoral exhumés eux aussi sont en cours de restauration. Lui faisant face, Mgr Guillaume de Rouffilhac (1361-1364) ou de Ruffec. Les corps des deux évêques furent de nouveau inhumés au pied de l’autel en 1987.
Au dessus, sur une petite tribune, les bustes reliquaires en métal doré de saint François-de-Paule et de saint Léonce, offerts par Mgr Michel (1829 à 1845).
Sur le mur gauche de la nef Saint-Etienne, dans un cadre somptueux destiné probablement à surmonter un autel, une toile signée H.Raimbaud, du XVIIIème siècle, nous redonne à voir la scène de l’apparition du Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie Alacoque.
A gauche, la porte de la sacristie est surmontée d’un linteau du XVIème siècle figurant deux anges portant une couronne de lauriers dans laquelle on devine un monogramme martelé (initiales GF ?) avec une croix surmontée d’une couronne. De part et d’autre de cette figure, un blason identique, lui aussi martelé, et surmonté d’un chapeau ecclésiastique. Les armoiries seraient celles du prévôt du chapitre Georges Fenilis (1536-1542).
En redescendant la nef, la mort de saint Joseph de nouveau représentée, sous un mode plus réaliste et avec une perspective inhabituelle.
La chapelle qui s’ouvre sur le mur nord est dédiée à saint François-de-Paule. Cet ermite calabrais, rendu célèbre par ses miracles, fut appelé par le roi de France Louis XI qui se mourait. Arrivé à Fréjus, en avril 1482 François délivre la ville de la peste avant de poursuivre son chemin et d’obtenir une conversion réelle du monarque avant sa mort, ayant refusé de le guérir physiquement. Celui qui était devenu le fondateur de l’ordre des Minimes décède à son tour le vendredi saint 1507 à Plessis-lès-Tours. Six ans après il est béatifié, encore six ans et le voilà saint. Fréjus, ayant gardé une mémoire vive de son passage fonde en 1522 le troisième couvent des Minimes en France, qui verra trois chapitres généraux de l’ordre (1547, 1556, 1565). Une nouvelle apparition de peste, en 1720, ranime la dévotion des Fréjusiens envers saint François-de-Paule, qui font le vœu d’une reconnaissance perpétuelle aujourd’hui encore exprimée solennellement chaque quatrième dimanche de Pâques, lors de la célèbre « bravade ».
A droite de l’autel de cette chapelle, le monument honorant les Fréjusiens morts pour la France. A gauche, la stèle commémorative de Mgr Guillibert, l’évêque qui fut expulsé du palais épiscopal par les lois de séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1906.
Une petite plaque de marbre à l’entrée de la chapelle, sur la gauche évoque encore la figure contrastée de Mgr Giuseppe Zongo Ondedei, premier collaborateur et exécuteur testamentaire du cardinal Mazarin, devenu évêque de Fréjus en 1658. Elle demande qu’on offre pour le repos de son âme une messe chaque semaine. Qu’il repose en paix !
La chapelle suivante abrite le magnifique retable dit « de sainte Marguerite ». Vers 1450, le chanoine Antoine Bonet commanda à Jacques Durandi cette peinture sur bois. Elle est la seule oeuvre signée de cet artiste niçois qui vivait entre 1410 et 1469 environ et qui ne manqua pas d’avoir une influence sur un de ses fameux successeurs, Louis Bréa (1450-1522).
La partie supérieure est occupée en son centre par une Crucifixion ; elle est flanquée à gauche par une Annonciation (l’ange Gabriel demande à Marie son approbation au plan de Dieu sur elle, ce qui se lit sur son phylactère : « Ave Maria, gratia plena, etc. ») et à droite par l’ archange Raphaël, patron du village voisin et reconnaissable à sa petite fiole médicinale : l’archange dont le nom signifie « Dieu guérit » a en effet soigné la cécité du père de Tobie (Livre de Tobie) , à ses côtés Jean-Baptiste qui désigne le Christ comme l’ « Agneau de Dieu ».
La partie inférieure présente la figure centrale de sainte Marguerite d’Antioche ; cette vierge martyre du début du IVème siècle connut un immense succès iconographique entre le XIIIème siècle et la fin du XVIème siècle à cause de la légende qui s’empara de son personnage : dévorée par un dragon, elle lui aurait percé le dos avec une croix et en serait sortie indemne (à la même époque le même thème apparaît entre tant d’autres sur un retable de pierre aujourd’hui conservé à la cathédrale d’Aix-en-Provence, provenant de la chapelle des Grands Carmes). A Fréjus, elle n’est pas sans évoquer une autre légende qui, en dépit de toute chronologie, en fit la sœur de saint Honorat, habitant l’île de Lérins qui porte aujourd’hui son nom, et qui terrassa, avec son frère, le dragon qui, lui, alla donner son nom à la ville de Draguignan en y mourant. Le concile de Trente (1545-1563) mit un terme définitif à cet imaginaire populaire qui, sans se soumettre les intelligences, enchantait sa culture et aurait peine à rivaliser aujourd’hui avec notre propre besoin de fiction.
A gauche de sainte Marguerite, saint Antoine le Grand, l’ermite égyptien, patron du commanditaire de l’œuvre, et sainte Marie-Madeleine avec le vase à parfums qu’elle répandit sur les pieds du Christ, dont le culte rayonne depuis la Sainte-Baume (près de Saint-Maximin).
A droite, le troisième archange, saint Michel terrassant le démon (les trois archanges sont identifiables à une sorte de petite flamme rouge triangulaire qui marque leur front) et sainte Catherine d’Alexandrie, vierge martyre de la même époque et au même profil que Marguerite, portant la roue brisée qui devait la broyer.
Deux bandes étroites bordent le retable, portant chacune encore trois personnages :
En bas, deux diacres avec les instruments de leur martyre : saint Laurent et son gril (à gauche) et saint Etienne avec la pierre qui lui heurte l’épaule (à droite).
Au-dessus : deux évêques ou abbés, probablement saint Léonce et son ami saint Honorat, fondateur du monastère de Lérins, sans qu’on puisse les différencier.
Au-dessus encore : à gauche, Pierre de Luxembourg, créé cardinal par l’antipape avignonnais Clément VII, et qui bénéficie déjà de l’aura de la sainteté d’une vie très brève (il est mort à 18 ans) et édifiante (il ne sera béatifié que par le légitime pape Clément VII en 1527) ; à noter que le retable est réalisé quelques années à peine après la résorption du grand schisme d’occident ; à droite, sainte Anne et la Vierge Marie, sa fille, avec l’Enfant Jésus.
Cette œuvre de premier ordre mêle influences provençales et références italiennes (florentines et siennoises, plus précisément) auxquelles fait songer le sourire énigmatique de certains personnages.
De part et d’autre de la chapelle, dans la nef Saint-Etienne, deux statues contemporaines de facture rustique confondent leur couleur aux piliers auxquels elles sont adossées, elles veulent évoquer saint Antoine de Padoue et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.
L’autel de saint Etienne doit se contenter d’une place inconfortable au bas de la nef, depuis que le maître autel occupe la sienne dans l’abside de ce même collatéral. Le retable aux proportions harmonieuses présente saint Félix, saint Léonce et saint Etienne implorant la Très sainte Trinité pour la ville de Fréjus (anonyme, 1682).
Saint Félix, martyr romain, considéré comme le protecteur de la ville depuis 1671, date à laquelle ses reliques furent amenées de Rome à Fréjus par l’évêque Joseph Zongo Ondedei est au premier plan, saint Etienne, portant la dalmatique du diacre, titulaire de la nef latérale, et saint Léonce, co-titulaire de la cathédrale, intercèdent pour la ville, figurée en bas du tableau, à gauche.
Le tombeau des Camelin. Pierre Camelin érigea d’abord le tombeau de son oncle Barthélémy, évêque de Fréjus de 1599 à 1637 (déjà rencontré sur le tableau de l’Assomption), en le représentant en position d’orant (priant). Lorsqu’en 1654 mourut le neveu, qui lui avait succédé, on rajouta son effigie à droite pour faire bonne mesure. Le tombeau serait l’œuvre d’un sculpteur génois.
En face, contre le pilier, grand crucifix de bois, probablement du XVIIème siècle.
C’est sur cette dernière œuvre que la visite s’achève et au Crucifié qu’elle conduit. Cette beauté, cette histoire, n’ont de sens que pour conduire à celui qui semble encore nous dire : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, [...] jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour, et pour reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes... »
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« L’Église elle-même est en effet, comme une fenêtre, le lieu dans lequel Dieu se fait proche et va à la rencontre de notre monde. L’Église n’existe pas pour elle-même, elle n’est pas un point d’arrivée, mais elle doit renvoyer au-delà d’elle-même, vers le haut, au-dessus de nous. L’Église est vraiment elle-même dans la mesure où elle laisse transparaître l’Autre – avec un « A » majuscule – de qui elle provient et à qui elle conduit. L’Église est le lieu où Dieu « arrive » à nous, et où nous, nous « partons » vers Lui ; elle a le devoir d’ouvrir au-delà d’elle-même ce monde qui tend à se fermer sur lui-même et de lui porter la lumière qui vient d’en-haut, sans laquelle il deviendrait inhabitable. » (Benoît XVI, homélie du 19 février 2012)
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