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Jean-Charles Perrin (1754-1841)

Le destin exceptionnel de Messire Jean-Charles Perrin ne s’explique que dans le cadre des bouleversements politiques et religieux considérables qui ont affecté son époque : s’ils lui fournirent l’occasion de servir pas moins de quatre congrégations ou sociétés et plusieurs diocèses sur trois continents, ils lui donnèrent aussi l’intuition du seul impératif qui devait guider toute sa vie, la nécessité de la mission. Jean-Charles naît le 26 juillet 1754 à Arbois, en Franche-Comté. Son père s’appelle Guillaume Perrin et sa mère Geneviève Pidard, tous deux décédés au printemps 1773. Un des plus jeunes de ces enfants devenus orphelins, Pierre-Nicolas (né en 1763) sera un jour capitaine d’artillerie, et reçu chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis le 22 avril 1818. Jean-Charles est élève au séminaire du Saint-Esprit mais c’est sous la houlette des Missions Etrangères qu’il commencera son activité missionnaire : il est sous-diacre quand il entre dans leur séminaire le 6 décembre 1775. En 1773 la compagnie de Jésus avait été supprimée par le pape Clément XIV ; son successeur, le pape Pie VI, en accord avec le gouvernement français demanda alors aux Missions étrangères de Paris de reprendre la mission dite malabare, en Inde, desservie jusque-là par les jésuites ; deux prêtres y seront envoyés : le rémois Nicolas Champenois (1734-1810), qui sera plus tard sacré évêque et supérieur de la mission de Pondichéry, et Jean-Charles Perrin. La cérémonie de départ a lieu à Paris le 13 janvier 1777, et c’est aux premiers jours de février que celui-ci s’embarque à Lorient pour l’aventure. Après des mois d’une navigation difficile, il se met à la tâche et parcourt en long et en large une bonne partie du pays. Ses capacités exceptionnelles lui permettent de prêcher en Tamoul après cinq mois de présence et d’étude, trois mois plus tard il peut employer une autre langue locale, le Télougou. Le Père Perrin se fait vite apprécier par son dévouement et sa connaissance des langues et coutumes malabares : Mgr Brigot lui confie alors un vaste district qu’il desservira jusqu’en 1781. Après un court séjour à Goa, il fut nommé à la direction du séminaire mais ne resta que quelques mois dans cette fonction. En 1784, il quitta la mission et la Société et revint en France. Bientôt la terre natale lui offrira un autre champ non moins périlleux pour la mission : avec les montfortains, on le voit développer un important ministère dans le diocèse de Poitiers pendant la Révolution. Mais c’est la Société du Cœur de Jésus fondée par l’ex-jésuite, Pierre-Joseph de Clorivière qui parcourt la France à partir de 1802, que l’abbé Perrin décide de rejoindre, dont le fondateur apprécie particulièrement ses talents d’orateur. Cette année 1802, précisément, la dirigée du Père de Clorivière et co-fondatrice avec lui des Filles du Cœur de Marie, Adélaïde de Cicé, rejoint son frère devenu archevêque d’Aix à la faveur du Concordat ; elle fait agréer dans le diocèse les deux prédicateurs Clorivière et Perrin. Mais en 1804, accusé de complot, le Père de Clorivière est arrêté. Durant cette captivité qui durera cinq ans, Jean-Charles Perrin n’a d’autre choix que de quitter la Société, cependant il aura noué en Provence des liens qui détermineront la suite de son parcours. En attendant, il met à profit ce temps pour coucher sur le papier une relation fort intéressante de sa première expérience, il en sortira en 1807 une publication en deux tomes éditée à Paris (Le Normant) sous le titre de Voyage dans l’Indostan par M. Perrin, Ancien Missionnaire des Indes, Chanoine honoraire de la Métropole de Bourges (il venait d’y obtenir une stalle, vers l’année 1806), et qui présente avec de curieux détails le pays, sa culture et ses langues. Le Père Perrin exerce à ce moment-là un ministère de missionnaire à Limoges. C’est alors que le Père Jacques Bertout, restaurateur de la congrégation du Saint-Esprit, le recommande pour qu’il soit nommé Préfet apostolique de la Martinique. Jean-Charles Perrin écrit alors au ministre des Cultes qu’il ne consent à se charger de cette mission que « par pur dévouement aux intérêts d’une congrégation (les Spiritains) dans laquelle il a trouvé sa première éducation et à laquelle il n’a cessé d’être attaché », c’est en effet cette société qui avait été chargée des missions des Indes occidentales : encore une fois notre missionnaire est prêt à servir sous une autre bannière, ne compte que la mission ! Quelques années plus tard, il est de retour en Europe et Monseigneur de Richery l’attire dans le diocèse de Fréjus qui se reconstruit : il lui offre en 1824 une stalle de chanoine titulaire avec la fonction de théologal. A plus de 70 ans, le vieux missionnaire mettra encore ses talents oratoires au service de l’évangélisation, c’est ainsi que l’évêque l’envoie prêcher le jubilé de 1825 dans la paroisse d’Antibes. Mgr de Richery lui obtient encore le titre de vicaire général. C’est à Fréjus que le chanoine Perrin s’éteint le 8 mai 1841, à 87 ans.