Jean (1749-1835) & César (1750-1845) Geoffroy du Rouret
Cette famille, originaire de Nice, a constaté sa noblesse à partir de 1469 (d'Hozier, Armorial Général, tome VIII). Elle a eu d'abord la seigneurie de La Cainée , dans le comté de Nice, elle acquit ensuite celle du Rouret, fief situé dans la sénéchaussée de Grasse, en Provence. Ses principales alliances sont, dans les années qui ont précédé 1789, avec les maisons de Grimaldi, de Chabaud, de Vitalis, de Maliverny, de Barbaroux, de Merigon, de Moricaud, de Rabuis-Thorenc-Roquefort, le More, de Villeneuve-Bargemon, Fauton-d'Anton. Elle compte plusieurs officiers distingués dans l'armée et dans la marine royale, un capitaine de vaisseau, un contre-amiral, quatre chevaliers de Saint-Louis, dont un dans la première compagnie des mousquetaires. La plupart des membres de cette famille ont résidé à Grasse, à Aix, à Toulon.
Jean et César appartiennent à une fratrie de quatre; les deux autres feront une carrière militaire : un vice-amiral et un commandant d'artillerie; ils sont fils de César Geoffroy, seigneur du Rouret et d'Anne de Villeneuve de Bargemon, mariés en 1745.
César, leur père est fils d’Honoré de Geoffroy et de Thérèse de Moricaud (mariage en 1703), il a un frère, Honoré Claude de Geoffroy qui est religieux de Lérins, prieur primitif du prieuré de Briançon, au diocèse de Galndèves et deux sœurs Anne et Claire, religieuses de la Visitation de Castellane. Honoré de Geoffroy était fils de Charles de Geoffroy et d’Anne de Grassy (mariage en 1672) est avait un frère prêtre, Marc-Antoine, mort en 1754. Charles de Geoffroy était fils de Charles et de Renée de Barbaroux (mariage en 1647). Charles, premier du nom, était fils de Jacques de Geoffroy, écuyer habitant la ville de Vence, et de Jeanne de Vitalis (mariage en 1598). Jacques de Geoffroy était fils de Noble Honoré de Geoffroy, seigneur de la Cainée, écuyer résidant à Cuebris et d’Anne de Galléan (mariage en 1567). Honoré de Geoffroy était fils de Noble Maiffred de Geoffroy, seigneur de la Cainée, résiant à Cuebris et de Brigitte de Chabaud (mariage en 1517). Maiffred était fils de Noble Emmanuel de Geoffroy, citoyen de la ville de Nice et d’Honorade de Grimaldis.
Les chanoines Jean et César sont cousins germains par alliance de Sophie-Anne de Bausset-Roquefort (1754-1847) qui avait épousé en 1770 Joseph de Villeneuve-Bargemon ; Sophie-Anne est la nièce d’Emmanuel de Bausset-Roquefort, évêque de Fréjus depuis 1766 et la sœur de son neveu Pierre-Ferdinand de Bausset-Roquefort qui deviendra en 1817 archevêque d’Aix.
Jean Geoffroy du Rouret naît à Grasse le 24 avril 1749 et reçoit le baptême le même jour dans la cathédrale de la ville. Il est tonsuré à 8 ans et reçoit le prieuré de Saint-Auban. Il est ensuite envoyé à Paris pour y faire ses études : il est reçu docteur à la faculté de théologie, de la maison et société royale de Navarre. Ayant atteint l'âge canonique requis, il fut ordonné prêtre et fut gratifié d'une stalle de chanoine de la métropole d'Aix et du vicariat général de Grasse. Il s'exile en Italie à partir du 7 août 1792, ayant refusé de prêter le serment schismatique. Il vécut alors dans le plus grand dénuement : on le voyait à Pise avec une soutane râpée et des manches qui ne lui couvraient que la moitié des bras, l'écuelle à la main, mendier sa pitance quotidienne. Lorsqu'il fut de retour, sous le Consulat, il rentra dans sa famille et n'alla que dans un second temps rencontrer Mgr Champion de Cicé pour lui proposer ses services. L'archevêque d'Aix fut navré de ne pouvoir le rétablir dans ses anciennes fonctions canoniales puisque toutes les stalles étaient alors pourvues et s'excusa de devoir le faire attendre, n'ayant que la cure d'Antibes à proposer dans l'immédiat. Messire du Rouret fut tout heureux de pouvoir être utile, même à ce poste que d'autres que lui pouvaient considérer au-dessous de ses vertus. Il s'y rendit sur le champ et s'employa à relever la paroisse de ses ruines et à apaiser le schisme de la "Petite Eglise", qui s'était opposée au concordat napoléonien et qu'entretenait un certain abbé Ardisson, ancien vicaire et curé constitutionnel à partir de 1792. Sa politique fut de ne pas affronter la secte mais d'attendre que les fidèles, édifiés par leur nouveau pasteur, fassent d'eux-mêmes le choix de revenir à la paroisse, ce qui ne manqua pas d'arriver : Ardisson de plus en plus isolé quitta la ville pour se réfugier à Cannes où il mourut. Messire du Rouret s'attacha si fort à son troupeau qu'il refusa systématiquement les nominations plus honorables qui lui furent proposées, y compris un évêché, dit-on. Formé à l'école de la misère pendant la période d'exil, il en conserva une austérité monacale : il habitait un très modeste appartement meublé le plus pauvrement du monde. Ainsi s'installe-t-il en 1801, ainsi meurt-il en 1835. Il fut secondé par le maire Jacques Ventrin, qui décida de réparer l'église et par ses trois vicaires Ventrin, Merle et Cavalier. En 1808, il fit prêcher une mission qui porta beaucoup de fruits. Une anecdote dépeint son tempérament et sa charité : une paroissienne enfermée le soir par mégarde dans l'église est réveillée au milieu de la nuit par un individu qui s'agenouille devant le maître autel en demandant pardon pour le crime que la misère le pousse à faire, puis force les troncs pour en emporter le butin; le curé averti dès l'ouverture, fait venir l'homme en question, le somme de rendre l'argent et lui fait comprendre l'odieux de son geste, avant de le congédier en lui remettant le double de la somme volée. Monseigneur de Bausset, archevêque d'Aix, son parent et ami voulut le faire chanoine titulaire de sa cathédrale, mais Messire du Rouret protesta de nouveau vouloir mourir à Antibes, que la Providence lui avait donné pour épouse. Nouvellement nommé évêque de Fréjus, Mgr de Richery essaya de nouveau, mais il refusa encore : tout au plus put-il le nommer chanoine honoraire en 1823. L'évêque vint confirmer à Antibes en 1827 et demanda à Messire Jean du Rouret d'y inviter son frère César et le curé de Grasse, l'abbé Chabaud : sans en avoir parlé à quiconque, le chant du Veni Creator achevé, il annonça aux fidèles qu'il nommait aussi chanoine le frère de leur curé et celui de Grasse. A la demande du curé d'Antibes qu'il honorait de son amitié, Mgr de Richery vint à plusieurs reprises présider des festivités dans sa paroisse. Messire Jean du Rouret mourut selon son souhait, au milieu de son peuple le 15 juin 1835.
César Honoré Joseph Geoffroy du Rouret, né et baptisé le 16 novembre 1750 au même lieu, commence assez mal sa carrière religieuse : probablement au moment de recevoir la tonsure on s’aperçoit treize ans plus tard que son acte de baptême ne comporte pas la signature du prêtre : sans doute abusé par les inhabituelles signatures du père et des parrain et marraine apposées au bas de l’acte, l’abbé Antoine Jordany, curé vicaire perpétuel de la cathédrale de Grasse qui venait de procéder au baptême, avait oublié de signer... César avait-il bien été baptisé ? Déjà des témoins essentiels manquaient à l’appel : ledit Messire Jordany avait trépassé le 7 mai 1754 (à 54 ans) et la marraine Dame Rossoline de Villeneuve Bargemon, l’avait immédiatement suivi le lendemain même (à 34 ans)... A la requête du père de l’enfant, une enquête fut menée auprès du lieutenant général de la sénéchaussée de Grasse, qui conclut bien le 17 mars 1763 à la réalité du baptême ! Cet épisode achevé, César poursuivit sa carrière : il était chanoine de la collégiale de Draguignan et prieur de Briançon quand débuta la Révolution. Il décida de prendre le chemin de l'exil, s'enfuit de Grasse le 7 août 1792, mais fut arrêté en cours de route et conduit à Castellane où il devait être exécuté. Il implora la faveur d'être guillotiné dans son pays, on le transféra donc à Grasse : ce délai fut son salut puisque Robespierre mourut sur ces entrefaites, mettant un point d'arrêt à la fureur révolutionnaire. Il se rendit ensuite à La Réunion où il prêta serment de fidélité à la Constitution de l'an VIII le 27 messidor an X (16 juillet 1802), à Saint-Pierre, devant le Préfet de l'île. Rentré en France par l'Angleterre et Cherbourg le 23 fructidor an X (10 septembre 1802), il fut nommé vicaire à Grasse et le resta jusqu'en 1840. Il fut promu chanoine honoraire de Fréjus en 1827. Saint prêtre, zélé et pieux, il n'avait pas reçu le don de l'éloquence... La mort qu'il redoutait vint le chercher à Grasse le 3 janvier 1845.