Léon Orsini (15 décembre 1525 - mort le 11 mai 1564) petit-fils du précédent
C’est le 15 décembre 1525 que le tout jeune Leone Orsini fut nommé à l’évêché de Fréjus, il avait douze ans...
Né probablement à Stimigliano, au nord de Rome, en 1513, il était le quatrième des cinq enfants d’Ottavio Orsini (fils de Franciotto) et de Porzia Orsini, il était co-seigneur de Monterotondo (seul à partir de 1562). S’il faut en croire Francesco Sansovino on lui donna ce prénom en hommage au tout nouveau pape, Léon X, qui fut son parrain.
Cette nomination qui étonne correspond à la résignation en sa faveur de son grand-père le cardinal Franciotto Orsini qui s’était réservé, avant que l’adolescent atteigne l’âge requis, l’administration, les revenus et la collation des bénéfices. Tout avait été prévu : la reprise du titre par Franciotto en cas de décès du bénéficiaire ou sa gestion temporaire par le cardinal Ridolfi, leur parent, dans le cas de la mort prématurée du grand-père.
En attendant, le jeune Leone cumule les bénéfices : il succède en 1531 à Oddo de Confinio comme prévôt du chapitre de sa cathédrale et reçoit la même année l’abbaye de Pomposa. Après avoir étudié à Rome, il avait rejoint Padoue pour parfaire sa formation ; il y intervient dans la vie de l’université comme en 1538 où on le voit peser de tout son poids lors de l’élection du recteur des étudiants en droit. Il est aussi le type du prélat mécène de la Renaissance : dans les années 1530 il prend sous sa protection le provençal Antonio Gardane qui fera une très brillante carrière d’imprimeur de musique à Venise, sous la marque typographique qui honore le prénom et le nom de son bienfaiteur : le lion et l’ours.
On le voit encore favoriser l’humaniste Niccolò Franco, ex-secrétaire de l’Arétin, qui, dans sa dédicace des Pistole vulgari, en septembre 1538, louera de manière hyperbolique et convenue les qualités du jeune prélat : « la riverenza, per cui tutte le anime gli si inchiano : il valore, onde ciascuno l’osserva : la generosità, per cui tutti gli occhio lo mirono con istupore : e la virtù donde ogni lingua lo essalta. »
Le 6 juin 1540, avec d’autres humanistes il fondera à Padoue, parmi tant d’autres en Italie, une académie littéraire et philosophique intitulée l’Académie degli Infiammati dont il sera le premier « Principe ». Mais le 6 août suivant, il quitte Padoue pour Rome.
En 1530 l’administration du diocèse avait été confiée par Franciotto Orsini à Marc de Gally, prieur de Saint-Etienne.
A la mort de son grand père survenue le 10 janvier 1534, Leone prit des décisions signées de son palais de Monterotondo (le 16 novembre 1534) pour désigner des procureurs afin de prendre en son nom possession du siège de Fréjus et prêter hommage au roi, ce qui fut fait le 19 février 1535 par Bertrand Néron nommé vicaire général (cet ancien capiscol d’Agde avait été repéré par Nicolas Fieschi qui l’avait amené avec lui en 1494 avant de le nommer official puis archidiacre et de lui laisser finalement la haute main sur les affaires du diocèse). Les fonctions épiscopales continuaient d’être honorées par d’autres évêques : l’évêque de Chartres était venu faire la visite pastorale en 1530 au cours de laquelle il avait consacré l’église de Villecroze, mais aussi par des auxiliaires : à Lambert Arbaud mort en 1527 avait succédé dès 1523 Barthélémy Portalenqui, évêque in partibus de Troie. (Né au Luc dans une famille pauvre, il y entre très jeune au couvent des Carmes. Ses supérieurs qui l’ont remarqué lui obtiennent une aide du conseil communal pour financer ses études qu'il mènera jusqu'au doctorat de théologie. Sacré évêque de Troie, il remplace le cardinal Orsini puis son petit-fils en faisant les visites pastorales et en procédant aux ordinations : il est plusieurs fois cité en 1546, 1553, 1554, 1556. C'est lui qui procéda à la consécration de l'église de Cogolin, le 3 août 1548, il avait conscaré l'église des Augustins de Marseille, sur le Vieux-Port, le 15 janvier 1542), et encore Pierre Maynard, évêque in partibus d’Hébron, qui procéda à plusieurs ordinations en 1532 et 1533 dans le baptistère ou dans les églises extra muros de Saint-Joseph ou de Saint-Antoine, pendant que la cathédrale est en chantier. Les chanoines entreprennent en effet une série de travaux d’embellissement qu’on admire encore aujourd’hui en partie, comme la flèche et ses clochetons ou les splendides portes de bois sculptées. En 1535, la visite pastorale fut confiée par Bertrand Néron au coadjuteur d’Aix, Antoine Filhol, qui dut l’interrompre l’année suivante en raison de l’invasion de la Provence par les troupes de Charles Quint durant l’été. Ni la ville de Fréjus, investie le 27 juillet 1536, ni la cathédrale, ni les biens, ni les personnes ne furent alors épargnés. La ville rebaptisée Charleville supporta jusqu’au 6 août la soldatesque qui repassa en septembre, laissant le pays meurtri pendant près de vingt ans. « Il eut soin de piller notre ville et surtout de faire emporter l’argenterie et les reliques de notre église. De là vient qu’elle en est encore aujourd’hui presque dépourvue », déplore Girardin. Parmi les compagnons de Charles Quint, il faut citer la présence du marquis de Lombay, autrement connu aujourd’hui sous le nom de saint François Borgia, l’édifiant prince espagnol qui deviendra le deuxième successeur de saint Ignace de Loyola à la tête de la Compagnie de Jésus, et qui assistera alors le poète Garcilaso de La Vega mortellement blessé lors de l’escarmouche de la tour du Muy.
Bertrand Néron étant mort la même année au mois de février 1536, lui succédèrent comme grands vicaires le prévôt Georges Fénilis dont les armes martelées ornent encore le linteau de la sacristie de la cathédrale, puis Guillaume Francolis, Claude Grenon, Laurent Lauri et enfin le secrétaire de Leone Orsini, Boniface Pignoli.
Ce n’est que dans la seconde moitié des années 1540 que Leone Orsini s’engage résolument à assumer ses fonctions ecclésiastiques. Il participe le 4 janvier 1546 à la première session du concile de Trente, puis écrit le 14 mars suivant à Marcel II pour justifier son absence, alors, seulement, il se met en route pour la France.
Après avoir obtenu des délais, il prête personnellement le serment de fidélité au roi Henri II dans son château de Fontainebleau le 6 novembre 1547. C’est à cette occasion qu’il fit son entrée à Fréjus où on le trouve à différentes reprises dans les années suivantes. Il est alors ordonné prêtre – ce qu’il avait différé jusque-là – et célèbre sa première messe dans la cathédrale le 8 septembre 1551. Ces festivités mais aussi celles du Jubilé qui venait de s’achever et auquel la cathédrale de Fréjus avait était associée furent l’occasion de doter son église d’ornements précieux et d’entreprendre des travaux tant dans le sanctuaire (un nouveau maître autel fut installé) qu’à l’évêché.
Au lendemain de sa prestation de serment, le 16 novembre 1547, le nonce écrivait déjà à Rome pour lui obtenir la pourpre à la demande de Catherine de Médicis. La Cour de France essaiera vainement de lui faire obtenir le cardinalat comme en témoigne encore une lettre de la reine du 13 novembre 1556.
Seigneur temporel, l’évêque fut attentif à défendre ses droits sur la ville tout autant qu’à favoriser l’intérêt de ses sujets, permettant le creusement d’un canal ici, la construction d’un pont ailleurs, ce qui n’empêcha pas quelques différents, en particulier lorsqu’il voulut mettre un terme en 1558 à la populaire fête des fous, se heurtant à l’opposition de la municipalité de Fréjus qui finit par céder pour se faire pardonner les violences dont l’évêque avait eu à souffrir à cette occasion. Il dut encore travailler à apaiser dans le clergé les mécontentements dus au nouveau système de taxation consécutif au concordat de Bologne.
Il fit encore plusieurs allers-retours à Rome et en Italie : en 1552, en 1554-1556 où il reçut la consécration épiscopale, ce qui lui permit de procéder lui-même aux ordinations de la Trinité à Draguignan. Dans cette paroisse, il mit de l’ordre au service divin passablement négligé, jetant les bases du chapitre dont les statuts seront approuvés en 1570.
Il était encore à Rome en 1560-1563 d’où il mande son vicaire pour prêter serment en son nom entre les mains du nouveau roi, Charles IX,
mais ne participa à aucune autre des sessions du concile qui venait de reprendre dans la ville de Trente. En 1562, il recouvre les biens de ses frères Henri et François, sous le coup d’une condamnation pour participation à un homicide.
Dans le diocèse de Fréjus, les premiers troubles religieux consécutifs à la Réforme protestante étaient apparus dès 1559, quand deux luthériens incendièrent la collégiale de Barjols et y massacrèrent sept chanoines ; en réaction le village huguenot de Tourves fut pillé et la population passée au fil de l’épée. De nouveau Barjols fut alors le théâtre de violences : les églises pillées, le corps de saint Marcel brûlé et les prêtres jetés dans un puits. Les conseils communaux prirent alors des mesures de protection. Si le contexte permit l’apparition de cette pittoresque particularité provençale qu’est la Bravade il favorisa aussi un climat de suspicion et de délation qui pesa lourd : le vicaire général Boniface Pignoli cita devant l’officialité un dominicain de Draguignan, excommunia le prieur de Saint-Tropez et celui de Notre-Dame de Plèbe à Bargemon, un vicaire de Bargème, un chanoine de Barjols, le prieur d’Entrecasteaux, le prévôt de Pignans et le prieur de Saint-Blaise à Figanières, tous suspects d’adhérer à la Réforme.
Revenu à Fréjus en 1563, Léon Orsini y fit encore deux ordinations les 18 et 29 décembre et mourut le 11 mai 1564, jour de l’Ascension, à 6 heures et demi du matin. Il y fut inhumé dans la cathédrale, sous la lampe du sanctuaire, la messe de funérailles ayant été célébrée par le prévôt Jean Foulques de la Garde.