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Benedictus qui venit in nomine Domini

 

Captur pape nouveau REncore une fois, les pronostics du monde, y compris de l’IA sont passés largement à côté : c’est donc un outsider ou presque qui a été annoncé au soir du 8 mai à la loggia de la basilique Saint-Pierre. Et pourtant, il suffisait de prendre la liste protocolaire des cardinaux, suivre depuis le haut de la première table la série des visages des cardinaux-évêques pour rencontrer assez vite celui du cardinal Prévost : le cardinal Parolin, puis le cardinal Filoni tous deux n’ayant jamais exercé aucune fonction épiscopale au service d’un diocèse, ce qui semble un préalable pour exercer la mission pastorale de l’Eglise universelle ; venait ensuite le cardinal Tagle, grand favori certes mais probablement jugé trop proche du défunt pape ; enfin le cardinal Prévost qui, malgré son identité nord-américaine, réunissait plus d’un atout, celui d’un pasteur, d’un missionnaire, d’un homme de curie, de cultures diverses par son ascendance et son ancrage : américaine, péruvienne, française, italienne, espagnole, etc., de l’expérience et de la modération.

Les journalistes se sont rués sur le nom de Léon XIII mort en 1903 pour y découvrir l’héritage du pape de la doctrine sociale de l’Eglise, ils auraient pu aussi s’interroger sur celui qui le premier porta ce nom et mérita de lui adjoindre le qualificatif de « le Grand », saint Léon pape de 440 à 461. Homme profondément spirituel, il affronta l’effondrement du monde romain et n’eut pas peur de se confronter aux puissances séculières dont la force était le seul argument, en l’occurrence le « fléau de Dieu », Attila, roi des Huns, à la rencontre duquel le courageux pontife se transporta à Mantoue pour le dissuader avec succès de poursuivre son entreprise sur l’Italie et de piller la Ville.

La liberté et le courage sont les vertus que nous demandons à Dieu d’accorder au nouvel évêque de Rome qui est venu au devant de la foule des fidèles avec le don du Ressuscité, celui de la paix. Nul doute qu’il prendra soin de ne pas brutaliser son peuple en le heurtant par des prises de positions abruptes et personnelles, tout en le conduisant sur les chemins nouveaux qu’ouvrira la Providence. La vraie humilité qui l’a fait revêtir dès les premiers instants les ornements prescrits par le rituel et donner la bénédiction selon la formule en usage, s’effaçant ainsi lui-même sans mettre en avant ses propres choix et sa personne sont un gage de maturité et de sagesse bien venu. Longue vie au pape Léon XIV !

Gilles Lejeune (ou Juvenis) (1408 - mort le 1er février 1422)

Obédience avignonnaise de Benoît XIII

Une vacance de trois ans suivit la mort de Louis de Bouillac. Pendant ce temps le diocèse fut administré au nom de Benoît XIII, soit par RobertBenoît XIII de Bosc, évêque de Mende, soit par le cardinal de Poitiers, Guy de Malsec.
Benoît XIII avait quitté Avignon le 11 mars 1403 et s’était réfugié en Provence où l’accueillait Louis II d’Anjou, à cette occasion il passa à Fréjus le 17 novembre 1406.
En avril 1407, Benoît XIII recevait à Marseille les députés de son opposant Grégoire XII : entre autres notaires et secrétaires, on note la signature d’Egidius Iuvenis (Gilles Lejeune) au bas du document « pro extirpatione diuturni ac pestiferi scismatis » qui sanctionne ces négociations. Quelques mois plus tard, tout au plus au début de l’année 1408, c’est ce secrétaire qui est désigné parmi la cour du pape reconnu en Provence pour occuper le siège épiscopal de Fréjus puisqu’un document du 10 janvier 1408 lui donne le titre d’« évêque élu de Fréjus », qu’on retrouve encore le 13 novembre suivant.
Maître Gilles Lejeune, avait été nommé secrétaire pontifical le 9 août 1384 par l’antipape Clément VII. Deux ans plus tard apparaît régulièrement sa signature en marge des documents originaux et des registres. Il se maintint comme secrétaire jusqu’à la mort du pontife et fut confirmé dans la même charge par son successeur Benoît XIII duquel il est aussi familier.
Après avoir postulé en vain, malgré sa qualité, une prébende et un canonicat de Notre-Dame de Paris contre Gerson en mars 1398, il avait obtenu celle de chanoine-chantre de Reims (de 1398 à son sacre en 1409). On sait qu’il était en outre détenteur d’un canonicat à Thérouanne et de la cure de Saint-Leu-Saint Gilles à Paris.
Dans un premier temps, l’ « évêque élu » résida plus volontiers à la cour de Louis II.
La situation de Benoît XIII devenait de plus en plus difficile, depuis qu’il avait jeté l’interdit sur le royaume de France en mai 1408 et que des cardinaux des deux obédiences, réunis à Livourne en juin 1408, avaient décidé de la tenue d’un concile à Pise en vue de la résorption du schisme.

Gilles Lejeune semble alors douter de lui-même et retarde son sacre. En 1409, il participe au concile de Pise. Dans le procès que l’assemblée instruit à charge contre Benoît XIII et Grégoire XII, Gilles Lejeune est appelé à témoigner dans le courant du mois de mai, et rapporte l’anecdote curieuse selon laquelle un proche de Benoît XIII, François d’Aranda, lui aurait annoncé la mort de Philippe le Hardi le jour même de son décès dans le Brabant, de quoi alimenter les soupçons de sorcellerie dont on essayait d’incriminer le pontife et son entourage. Après que le concile eut élu un troisième pape en la personne d’Alexandre V, on prétend qu’il aurait été expressément reconnu par lui comme évêque de Fréjus le 9 septembre de la même année, ce qui était inutile vu que le nouveau pape avait, dans la XXIIème session du concile, le 27 juillet, publié un décret confirmant toutes les nominations de ses compétiteurs jusqu’à leur « destitution » proclamée par l’assemblée. Cette date correspond peut-être au moment de son sacre qu’il ne manqua pas de recevoir dès son retour à Fréjus puisque ce n’est qu’après s’être rangé sous cette bannière plus incertaine encore de l’antipape de Pise, qu’il consentit à recevoir l’onction épiscopale. Désormais au service de l’obédience pisane dont les papes avaient choisi de soutenir les prétentions de Louis II d’Anjou au trône de Naples, il assume dès 1410 la charge de référendaire et nonce en France, pour le compte de l’antipape pisan Jean XXIII. Le revirement d’alliance de Jean XXIII et les déboires militaires de Louis d’Anjou en Italie ramenèrent Gilles Lejeune au service de son souverain pour lequel la comtesse Yolande le charge d’une mission auprès du roi de France en 1411.   
Le concile de Constance ouvert fin 1414 fit perdre au pape de Pise la tiare et la liberté. Le 10 décembre 1416, Gilles Lejeune participe à Aix à la réunion des évêques tenue pour choisir des délégués pour les dernières sessions du concile de Constance.
Le 26 août 1421, Gilles Lejeune érige le prieuré de Lorgues en collégiale. La même année, le prieuré de la Celle Roubaud est exclu de l’ordre cartusien à cause de son indiscipline et les religieuses soumises à l’autorité de l’évêque.
Il meurt le 1er février 1422.
A cette date, les papes de Pise s’étaient disqualifiés, et l’inflexible Benoît XIII, de sa forteresse de Peñiscola où il mourrait quelques mois plus tard n’impressionnait plus : le concile de Constance avait élu depuis plus de quatre ans Martin V qui s’avéra être l’unique et légitime détenteur du pouvoir pontifical bien que n’ayant pas encore recouvré son droit de nommer les évêques.